En raison d’un mouvement de grève à Radio France, nous ne sommes pas en mesure de vous expliquer la grève qui y a lieu depuis maintenant 15 jours. Quoique, on va quand même essayer.
Au départ, la direction de la radio publique et surtout son Président, Mathieu Gallet, devaient présenter au gouvernement français leur fameux CPOM, ou Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. Une expression bien compliquée pour désigner le plan à long-terme sur la gestion de la radio publique française en ce temps difficiles.
« A ce moment-là, il y avait déjà beaucoup d’interrogations », confie Grégoire Lory, correspondant de Radio France à Bruxelles. « Puis l’histoire de la rénovation à 105.000 € du bureau de Mathieu Gallet est sortie dans la presse (Le Canard Enchaîné a révélé le 18 mars que Mathieu Gallet aurait demandé la rénovation de son bureau pour un montant de 105.000 €). On a aussi eu des infos qui prévoyaient 200 à 300 départs volontaires d’ici à 2019… Tout ça mis bout à bout, alors qu’on se serre un peu tous la ceinture, ça nous a amenés à la grève. »
Sauf que cette grève, c’est quasiment du jamais vu dans la Maison de la Radio et cela a pris d’importantes proportions. La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a convoqué Mathieu Gallet pendant la première semaine du mouvement pour lui demander « des orientations claires ». Le CSA français lui emboîtait le pas en demandant également de la clarté. Rappelons que c’est cette institution qui a nommé Mathieu Gallet à la tête du groupe, il y a à peine plus d’un an.
Fusionner les rédactions pour réaliser des économies d’échelle
La Cour des comptes y a aussi ajouté son grain de sel. Elle suggère de fusionner les deux orchestres symphoniques de la radio ainsi que les trois rédactions de la radio, c’est-à-dire celles de France Inter, France Info et France Culture. Mathieu Gallet s’y est dit opposé, ce qui a le don de rassurer les journalistes, dont Grégoire Lory. « Les trois rédactions ont une ligne éditoriale propre, tout est très différent d’une radio à l’autre, que ce soit au niveau des angles, au niveau des journaux. Heureusement, ce regroupement n’est pas à l’ordre du jour. »
Impensable donc ! Pourtant, à la RTBF, les rédactions sont regroupées sur ce modèle-là même si les institutions ne sont pas en tous points comparables (Radio France ne fait que de la radio et du web alors que la RTBF fait en plus de la télévision). « Elles sont en effet regroupées, il y a une rédaction web-TV-radio commune, mais les journalistes radio restent des journalistes radio », explique Georges Lauwerijs, éditeur de Matin Première sur la RTBF. « C’est surtout dans la production de contenu que c’est globalisé. » Autrement dit, le reportage réalisé par un journaliste radio pourrait potentiellement être diffusé sur toutes les chaines (VivaCité, La Première, etc.). « Mais chaque chaîne de radio a sa propre ligne éditoriale et sa propre présentation, donc là ça diffère. »
La grève dans la Maison de la Radio, ça fait maintenant 14 jours qu’elle dure, renouvelée et votée tous les matins pour le lendemain. « On ne sait pas exactement qui est concerné par les possibles réductions de postes, c’est surtout le flou autour de notre avenir qui fait qu’on est très inquiet », ajoute Grégoire Lory.
A entendre les responsables de la radio dans une émission appelée “Vive la radio” diffusée lundi, au douzième jour de grève, c’est vraiment le modèle entier de la radio publique qui semble être en danger. Autrement dit, ses trois missions spécifiques : informer, éduquer et distraire.
Une situation comparable dans le service public belge
« On est un petit peu concerné aussi », avoue Georges Lauwerijs. « Même si les deux maisons ne sont pas vraiment identiques, ça reste le service public qui manque de moyens, c’est le grand débat du financement des médias. »
En Belgique, la dotation publique de la RTBF n’est plus indexée comme l’explique l’ancienne voix matinale de la Première et donc, chaque année, il faut faire la même chose avec un peu moins de moyens. La situation semble plus grave à Paris. Plus qu’une non-indexation de la dotation par les pouvoirs publics, c’est une baisse de la part de la redevance que Radio France perçoit qui a lieu année après année. En 2015, la direction prévoit un déficit de 21,3 millions d’euros pour 2015 alors que, dans le même temps, Mathieu Gallet cherche à économiser 24 millions. Et on ne parle même pas des travaux pharaoniques entrepris sur le bâtiment de la Maison de la Radio, dont le budget a été dépassé de 80%.
Vers la sortie du tunnel radiophonique ?
Le flou autour de ces réductions de postes ou de moyens pourrait bientôt disparaître. Les employés de Radio France ont reçu un email du Président, ce mercredi matin, expliquant que son projet avait été remis au gouvernement. Fleur Pellerin l’a d’ailleurs convoqué pour ce jeudi 2 avril.
Une bonne nouvelle pour Grégoire Lory : « On va enfin pouvoir débattre sur du concret », même si, comme on le voit, les discussions ont surtout lieu entre la direction et le ministère de la Culture, laissant les employés quelque peu de côté. « On ne sait évidemment pas quand la grève s’arrêtera », explique Grégoire Lory. « En soi, il ne faut pas 100% de grévistes pour que les programmes soient interrompus. » Et de fait, il n’y en aurait que 8%.
Ce mercredi matin, l’Assemblée Générale a une quinzième fois voté la grève pour le lendemain. Quelques jours pourraient encore être nécessaires avant que des millions de Français soient à nouveau réveillés par Patrick Cohen.