Six années d’études intensives et 50% de possibilités de ne jamais accéder à la profession. C’est l’invraisemblable situation dans laquelle se trouvent les étudiants en dernière année de médecine en Belgique francophone. En raison de la politique dite du “numerus clausus”, moins de la moitié des étudiants en dernière année de médecine obtiendront un numéro INAMI qui leur donnera accès à la profession. Suite à la formation du nouveau gouvernement, les étudiants ont décidé d’accentuer la pression sur les autorités compétentes pour que les choses changent.
En mars dernier, Laurette Onkelinx, alors ministre de la Santé publique, rencontrait les étudiants en médecine suite à une manifestation rassemblant plus de 2000 d’entre eux dans les rues de Bruxelles. Au terme de l’entrevue, elle promettait de faire “tout ce qui était en son pouvoir” pour que tous les diplômés obtiennent un numéro INAMI. Seulement, la tâche paraît compliquée. Instaurée en 1997, la politique du numerus clausus a été pensée par le gouvernement dans le but de mieux contrôler le budget lié à la Santé. Le salaire des médecins étant directement géré par la Sécurité sociale, l’objectif était de limiter le nombre de numéros INAMI octroyés aux étudiants en médecine pour faire des “économies”. Mais dix ans plus tard, la situation est bloquée.
7.500 diplômés pour 2.830 numéros disponibles
Face à cette limitation, la Fédération Wallonie-Bruxelles a dû, en 2007, appliquer une politique de lissage. Celle-ci visait à aller puiser dans les quotas de numéros INAMI des années suivantes pour éviter une issue malheureuse aux étudiants diplômés au terme de l’année en cours. À titre d’exemple, il a fallu piocher dans les quotas prévus pour la promotion de 2014 afin de permettre à tous les étudiants diplômés en 2013 de pouvoir exercer. Cependant, elle doit à présent faire face au revers de la médaille. D’après le CIUM, le Comité interuniversitaire des étudiants en médecine, plus de 7.500 médecins seront diplômés entre 2014 et 2020 pour seulement 2.830 numéros INAMI disponibles, soit un étudiant sur trois.
“Le point de non-retour a été atteint”, explique Yoann, étudiant en dernière année de médecine à l’UCL. “Ils sont obligés de sacrifier l’avenir de plusieurs d’entre nous pour pouvoir rééquilibrer la situation. L’entièreté de ce système est une aberration qui ne bénéficie à personne puisqu’on ne cesse de répéter que nous sommes en pénurie de médecins”. Dans un rapport publié à la fin de l’été, l’INAMI faisait état d’une tendance frappante. Qu’il s’agisse de généralistes ou de spécialistes, plus d’une commune sur deux [NDLR : 54%, selon l’INAMI] en Belgique manque de médecins.
A noter que du côté flamand, on a mieux négocié la restriction imposée par le gouvernement : un examen d’entrée est organisé en première baccalauréat, réduisant ainsi les problèmes liés au quota de numéros INAMI en fin de cursus.
Des étudiants livrés à eux-mêmes
Dans l’impasse, les étudiants tentent de réagir mais la situation est compliquée. “Le doyen de notre université nous a répété qu’il était obligé de respecter la loi en vigueur et que, si nous voulions que cela bouge, il fallait que nous prenions les choses en main. Seulement, nous sommes pris de court”, déplore Yoann. “Nous devons gérer nos stages et nos échéances qui approchent à grands pas, dont la remise du mémoire”. Les étudiants en médecine s’étaient déjà rassemblés au début du mois pour manifester devant le siège du MR à Bruxelles. Ils ne comptent pas s’arrêter là. “Cette problématique n’est pas seulement une question de rêves brisés. Ces mesures de restriction sont inadaptées à la société actuelle [NDLR : en pénurie de médecins] et nous nous battrons pour les changer”, conclut l’étudiant.