Le rajeunissement du public est un véritable défi pour les institutions de musique classique. Mais quelques institutions se mobilisent. Le Concours Reine Elisabeth, ainsi que Musiq’3, la radio classique de la RTBF, s’adaptent progressivement pour plaire aux plus jeunes. A l’heure du podcast et de Spotify, éveiller les jeunes à ce genre musical est devenu une mission prioritaire pour ces institutions.
Du classique à prix cassé
En 2015, Olivier Flagel a réalisé une enquête sociologique du public du Concours Reine Elisabeth. L’étudiant en 2e Master en gestion culturelle à l’Université Libre de Bruxelles a conclu, sur la base du profil de 220 répondants, que l’âge moyen des spectateurs est de 55 ans. Pour rajeunir cette moyenne, il propose notamment d’organiser des activités le dimanche, jour de relâche du concours pour permettre aux familles d’assister aux concerts. Si cette recommandation n’a pas été suivie lors du concours 2017, plusieurs autres initiatives ont été mises en place pour toucher le plus grand nombre. Patricia Breeus, attachée de direction du concours, en détaille les principales : “À Flagey, pour les jeunes de moins de 26 ans, des tickets pour la première épreuve et pour la demi-finale sont disponibles à 1 euro. Pour la finale, au palais des Beaux-Arts, certaines places coûtent dix euros.”
Une mesure qui n’est pas isolée. “Depuis vingt ans, on organise des concerts gratuits pour les jeunes : l’un est organisé à Louvain-la-Neuve, un autre à Leuven et un troisième à Flagey. On engage un lauréat du concours primé lors de l’édition précédente pour venir jouer. Le dernier concert a eu lieu le 19 mars et les écoles ont répondu présentes à cet appel ; la salle de Flagey affiche complet”.
Ces concerts ont pour objectif de mettre des jeunes qui n’en ont pas l’habitude au contact de la musique classique. “Une personne s’occupe exclusivement des réseaux sociaux, pour toucher notamment les plus jeunes. Notre politique a changé ces dernières années pour s’adapter aux évolutions.” Cela a-t-il un impact sur le public ? Difficile à dire. Pour Olivier Flagel la réponse est oui : les moins de 26 ans représentent d’ailleurs presque 20% du public du Concours.
Musiq’3 monte crescendo
Autre institution de la musique classique, dans le paysage médiatique francophone : Musiq’3. En mars 2014, Laetitia Huberti est arrivée à la tête de la radio musicale classique avec un objectif clair : transformer l’identité de la chaine. Quatre ans après sa prise de fonction, elle tire un bilan très positif des actions entreprises : “Je suis ravie. Nous sommes parvenus à changer la perception que le public avait de la chaîne, à faire tomber des préjugés souvent attribués aux stations de musique classique.”
“Ce n’est pas parce qu’on est une chaîne de musique classique qu’on doit être sérieux ou académique.”
“Nous faisons un vrai travail de fond pour y arriver que cela soit sur le ton, les animateurs… Ce n’est pas parce qu’on est une chaîne de musique classique qu’on doit être sérieux ou académique.” Un travail qui paye. La chaîne radio de la RTBF a enregistré deux records historiques en fin d’année 2017 : sa plus grande part de marché (2,8%) et en moyenne plus de 100.000 auditeurs quotidiens.
“Le public intéressé par la musique classique est un public de niche. Notre mission est d’élargir et de toucher plus de gens qui ne viennent pas, naturellement, sur une chaîne de musique classique”. Aujourd’hui si le public de Musiq’3 est âgé en moyenne de 62 ans, plusieurs événements organisés par la station de radio touchent un public plus jeune. Le Festival Musiq’3, organisé durant trois jours chaque année à Flagey en est la preuve. En juin dernier, la 7e édition a connu un record historique avec plus de 10 000 festivaliers. “Le public lors de cet événement est âgé de 45 ans en moyenne. Une tendance qui se confirme dans les autres actions que notre station entreprend et qui correspond à notre volonté de toucher plus de monde.”
Dernière évolution apportée par la directrice Laetitia Huberti pour dynamiser la chaîne et continuer le changement d’identité, il y a aussi le digital. “Une personne a été engagée pour promouvoir nos contenus sur les réseaux sociaux pour toucher un autre public.”
55 et 62 ans… les moyennes d’âge des auditeurs du Concours Reine Elisabeth et de Musiq’3 restent très élevées. On le voit, des initiatives émergent doucement pour rajeunir le public du classique, mais elles manquent encore de visibilité. Combien de jeunes savent en effet qu’ils peuvent bénéficier de places pour le Reine Elisabeth pour seulement 1 euro ? Le grand enjeu pour ces institutions du classique va être d’informer les plus jeunes des possibilités qu’ils ont de découvrir cet univers, et pourquoi pas, de s’y intéresser.