Ligne 93, départ Legrand. Direction Stade. Destination joie de vivre ? Les gens se scrutent du regard, personne ne dit rien dans le tram bruxellois. Abbaye, Vleurgat, Bailli. Les arrêts se succèdent. La tension est palpable. Personne ne sourit. J’essaie. Réactions stupéfaites. Mon attitude semble déplacée alors que cela ferait tellement de bien. Incompréhension et fatigue sont encore les maîtres mots, deux jours après les attentats du 22 mars. Les mines sont aussi grises que le ciel.
« C’est la police ou l’ambulance, maman ? »
Nous arrivons Place Stéphanie. Je cède ma place à une petite fille qui a du mal à tenir debout, sa maman ne la lâche pas. L’innocence domine chez cet enfant qui regarde avec attention par la vitre. Soudain, une sirène retentit. « C’est la police ou l’ambulance, maman ? » Sa grande sœur lui répond. Une voiture de police dépasse le tram par la gauche. A cet âge, impossible de se douter qu’à quelques mètres, se trouve Salah Abdeslam, le terroriste présumé arrêté le 18 mars, qui vient d’être entendu au Palais de Justice.
Une grande partie du tram se vide à Louise. On dépasse une foule de journalistes venus réaliser un direct sur la place Poelaert. Le dispositif de sécurité est important. Les policiers sont cagoulés, les militaires casqués. La station de métro, elle, est fermée. Tout le monde n’était visiblement pas au courant. Heureusement, des agents indiquent d’autres directions ou d’autres moyens pour atteindre les différentes destinations. Les voyageurs sont satisfaits de l’accompagnement mis en place par la STIB. Mais il faut rejoindre à pieds la Gare centrale.
Une seule entrée, deux files
A l’entrée du métro, la foule s’amasse dans le hall. Une seule entrée, deux files : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Les fouilles se succèdent. Veste, sac, tout y passe, dans un silence impérial. « J’avais l’impression d’être dans un autre pays. D’habitude, les stations sont bruyantes, tout le monde parle et se presse. Aujourd’hui, tout est au ralenti. Les gens sont d’un grand respect, ils essayent de faciliter le travail des policiers », explique Tatyana, 22 ans, habituée des transports en commun bruxellois.
Des gens se croisent, se regardent, se reconnaissent. « Ça va ? » Les réponses toutes faites sont évitées, les sentiments sont partagés : non, mes proches ne sont pas touchés ; physiquement, oui, tout va bien ; psychologiquement, c’est autre chose.