La Zinne, voilà un nom bien bruxellois pour une monnaie locale citoyenne. Son lancement est prévu en 2019 dans plusieurs communes bruxelloises. Son but sera de favoriser les circuits courts et les rapports entre les commerces locaux dans les communes d’Anderlecht, Schaerbeek, Etterbeek, Auderghem, Uccle, Saint Josse, Ixelles, ainsi qu’à Linkebeek où des commerçants envisagent déjà d’utiliser la Zinne.
Cette initiative est encadrée par l’ASBL Financité, qui aide les mouvements citoyens qui tentent de redonner un sens à la finance, et elle est soutenue par l’Institut Bruxellois pour la Recherche et l’Innovation (InnovIris).
Avec ce projet, les Bruxellois pourraient enfin tirer un trait sur l’échec de l’Eco-Iris, monnaie locale lancée en 2012 mais abandonnée prématurément en 2014 (voir ci-dessous).
L’objectif de la Zinne est de valoriser la proximité entre producteurs, clients et commerçants, tout en gardant un modèle qui ne la déconnecte pas complètement du système économique européen. Pour faire partie intégrante de ce système, les commerçants devront remplir une charte de bonne conduite. En effet, certaines conditions sont à remplir aussi bien d’un point de vue écologique qu’économique. Les commerces s’engageront par exemple à coopérer avec les différents acteurs du réseau, communiquer de manière transparente et respecter l’environnement.
Des coordinateurs, répartis entre les huit communes bruxelloises contactent les commerces susceptibles d’instaurer la Zinne dans leur échanges commerciaux. Certains commerces ucclois comme le restaurant Farci, l’épicerie Lokale et l’ASBL de psychomotricité Pirouettes sont d’ores et déjà en attente de leur future monnaie locale complémentaire (MLC).
“On aura pas de soucis financiers car on peut toujours échanger cette monnaie” (Tiffany, gérante de Farci)
Bien que le système ait été expliqué aux participants, les commerçants attendent de voir comment leurs clients vont s’approprier la monnaie bruxelloise. Des bureaux de change installés dans les différentes communes permettront de transformer les Euros en Zinnes à un taux fixe (1 Zinne = 1€). Au-delà des petits commerces traditionnels, il sera possible pour les utilisateurs de la Zinne de régler des services (médicaux, soins…) mais aussi certaines factures, comme c’était déjà possible avec l’Eco-Iris.
Il faudra encore attendre deux mois pour découvrir matériellement la nouvelle monnaie. La prochaine étape sera la publication du logo et du visuel de la Zinne, décidés le 16 octobre dernier par le collectif. Reste donc à savoir si les habitants des huit communes concernées vont rapidement adhérer au projet et étendre largement cette économie alternative dans la capitale.
“Si ça pouvait payer différents services comme un coiffeur, un ostéopathe… ça serait génial” (Thérèse De Vriendt, ASBL de psychomotricité Pirouettes)
La Zinne, après l’échec de l’Eco-Iris
Dans notre capitale, l’idée d’un système qui utilise autre chose que l’Euro et veut favoriser les comportements durables n’est pas neuve. Eco-Iris était la première tentative de MLC à Bruxelles, lancée en novembre 2012 par Evelyne Huytebroeck, ministre bruxelloise de l’Environnement et de l’Energie à l’époque. Cette monnaie, en plus d’être un moyen de paiement, était donnée aux citoyens en cas de « bonne conduite écologique » pour les encourager à modifier leurs comportements. Deux ans après son lancement à Schaerbeek, l’initiative s’était étendue à cinq communes bruxelloises.
“On m’a répondu que cela n’avait déjà à peu près plus cours, je n’ai pas eu l’occasion de fonctionner avec” (Thérèse De Vriendt, ASBL de psychomotricité Pirouettes)
En 2014, le changement de gouvernement a provoqué l’arrêt du projet : une idée trop couteuse selon la nouvelle majorité politique. En effet, pour 8000 Eco-Iris en circulation, plus de 400 000 € ont été investis. Comme le précise Marie-Noëlle Vignau-Lous, ancienne commerçante et utilisatrice : « Pour la comptabilité, ce n’était pas très facile à justifier à la fin du trimestre avec mon comptable parce que cela passait comme pertes. ». Il a fallu du temps, peut-être trop, pour que le système se régule et se développe : « Au moment de la régulation par la ministre, le projet a été arrêté », termine Marie-Noëlle.
Financité était déjà un acteur du projet Eco-Iris. L’ASBL avait été consulté par l’institut bruxellois pour la gestion de l’environnement (IBGE) en tant qu’expert au moment du développement, mais n’était pas coordinatrice du projet comme actuellement avec la Zinne. Selon Hélène Joachain, chercheuse en microfinance à l’ULB et sur le cas Eco-Iris : « raccorder les commerçants et les clients était l’une des difficultés. C’est l’un des facteurs qui a eu raison du projet. ».
Aujourd’hui, il reste peu de traces du projet Eco-Iris : seuls quelques articles de journaux et quelques études qui traitent de l’échec de cette MLC demeurent. Il est presque impossible de trouver un commerçant ou un ex-utilisateur de l’Eco-Iris qui a encore cette monnaie en sa possession. Pour Marie-Noëlle il y a bien eu un réel manque d’intérêt et de demande de la part des citoyens : « J’ai des connaissances, qui n’ont jamais vu un seul Eco-Iris dans leur magasin. ». Les raisons précises de l’échec Eco-Iris n’ont pas été rendues publiques, alors qu’une étude a été commandée par Financité sur le sujet. Experts comme commerçants s’accordent sur les raisons de cet échec, à savoir : un changement de majorité politique et un manque d’intérêt citoyen mêlé à une trop faible publicité. Des difficultés qu’il faudra anticiper pour assurer la longévité de cette monnaie.