Cinq ans après les travaux de rénovation, la nouvelle robe du musée de Tervuren prête toujours à discussion. Quelques jours après la réouverture de l’ancien Musée royal de l’Afrique centrale, la question de la décolonisation fait couler beaucoup d’encre et de salive. Des réponses ambiguës et des contradictions répétitives sur la question de la restitution des biens sont au centre du débat. Les Belges avancent des arguments de taille pour conserver sur leur territoire ces biens appartenant au patrimoine de l’humanité.
La crainte de la bonne conservation de ces objets provenant pour la plupart de la RD Congo, une fois restitués, est devenue l’alibi parfait pour justifier leur présence sur le sol belge. Chose étonnante : au moment où les leaders de la diaspora militent pour la restitution complète de ces biens dans les plus brefs délais, le pays de Lumumba a demandé d’abord la réparation des objets qui se trouvent à Kinshasa. Une situation qui met à mal le combat mené par ces activistes d’origine congolaise.
La Belgique n’a donc pas hésité à sauter sur cette occasion offerte par la RD Congo elle-même. Elle en a profité pour lui signifier indirectement son incapacité à accueillir si tôt des objets venant de l’extérieur.
De la Belgique salvatrice, on en parle…
En Belgique depuis quelques semaines, nous étions curieux, avec mes collègues du journal Le Souverain, de découvrir ce nouveau musée “décolonisé”. Mais à l’issue de la visite, nous restons avec plusieurs interrogations. Dans certaines pièces du musée, des images reflètent, d’une part, une république en perpétuel besoin et, d’autre part, une Belgique forte, généreuse et attentive aux maux qui rongent la RDC. Cette situation éternise le paternalisme muet de la Belgique. Et la mise en scène accentue le stéréotype d’un Congo toujours dans une situation de vulnérabilité. Une image qui cache pourtant une nation aux multiples potentialités, souffrant du paradoxe de l’abondance. Riche de ressources minières et naturelles convoitées de toutes parts, le pays n’arrive pas à en tirer profit.
Des Congolais morts à cause de la colonisation
Sur des tableaux gigantesques dans un couloir de ce musée sont publiés des noms des Belges morts au Congo pendant la colonisation. Ils sont honorés par une épigraphe du roi Albert.
Tout naturellement, la question du nombre des Congolais morts faute de la colonisation refait surface. Dans quelles circonstances sont-ils morts ? Pour Edmund D. Morel, jadis journaliste et homme politique anglais, 10 millions des Congolais ont perdu la vie pendant cette période. En parle-t-on ? Qui incriminer face à ce silence ? Une opportunité pour questionner la maîtrise de l’histoire coloniale par une partie de la population congolaise.
Un musée de l’Afrique en Occident à qui ça profite ?
Au-delà de l’aspect esthétique et de l’intérêt économique que présentent ces objets, ceux-ci tracent une partie de l’histoire d’une civilisation. Un Africain en quête d’identité s’y référerait et connaîtrait son histoire. C’est la condition même de son développement. C’est un point de vue. Mais celui-ci semble partagé. Marie-Madeleine, citoyenne belge présente à la réouverture de ce musée, nous confiera d’ailleurs : « Garder ces objets hors du continent, c’est priver tout un peuple de s’imprégner de son histoire, ce qui est un droit fondamental. »
Arlette Boroto
Journaliste au Souverain Libre