Nigeria, Mali, République Centre Africaine… La liste des pays africains qui connaissent une période de troubles est trop longue pour être énumérée entièrement. Mais le bilan est clair : l’Afrique subsaharienne est en proie à de nombreuses tensions politiques, ethniques ou religieuses. Certains Etats semblent résister à cette montée de violence et le Burkina Faso apparaît comme l’un des meilleurs élèves de la classe. Décryptage d’un cas à part.
Pour comprendre la situation de conflits dans les pays d’Afrique subsaharienne, il faut retourner à la source du problème : en période post-coloniale, le continent noir se relève péniblement de ses blessures provoquées par les empires coloniaux. C’est d’autant plus difficile de se reconstruire pour les états comme le Burkina Faso, enclavé géographiquement et dépendant de ses voisins. En proie à une énorme fragilité, certains peuples vont basculer dans des guerres qui dépasseront l’entendement.
Mais le « pays des hommes intègres » (Burkina Faso en mooré) va intelligemment tirer son épingle du jeu et très vite jouer un rôle influent dans la diplomatie, ainsi que dans la médiation de certaines crises politiques de pays frontaliers (Côte d’Ivoire, Togo,Mali).
L’animisme pour l’unité
Depuis lors, qu’en est-il de la situation au Burkina Faso, pays encerclé par les tensions intercommunautaires religieuses ? L’ancienne Haute Volta est-elle encline à basculer dans la violence ou résiste-elle, contre toute attente, aux influences des affrontements environnants ?
Le Burkina est avant tout un état laïc. La constitution prévoit la totale liberté de religion. Le dernier recensement religieux, réalisé par le Conseil national de la statistique en 2006, fait état d’environ 60% de musulmans, 25% de chrétiens et 15% d’animistes. Mais lorsqu’on y regarde d’un peu plus près, on réalise qu’une grande majorité de Burkinabés ont, pour tronc commun religieux, l’animisme et qu’ils se sont orientés par la suite vers une autre religion.
Une croyance ancestrale partagée, peut-être est-ce cela le secret d’une bonne entente entre musulmans et chrétiens ? Au fil de notre enquête, les citoyens affirment en chœur que ce qui se passe ailleurs n’arrivera jamais chez eux. Une unanimité qui cache toutefois quelques lézardes ?
Noël Ouadraogo, animateur de 26 ans, confie : “Je viens d’une famille où ma mère est catholique, mon père est musulman et moi-même protestant. Ce n’est pas la religion qui nous unit mais bien la devise de la nation : Ton voisin est comme ton frère.”
Alors, tout va bien dans le meilleur des mondes ? Oui et non. N’importe quel pays est susceptible d’être le creuset de divisions internes. Et le Burkina Faso ne fait pas exception à la règle.
Une société en mutation
Tout d’abord, on constate un changement de paradigme au sein de la société burkinabée. Le cercle familial a toujours été au centre du mode de vie de la population. D’ailleurs, on retrouve de nombreuses valeurs familiales au cœur des croyances animistes (vénération de la grand-mère par exemple). Or, on s’aperçoit que, depuis quelques années, la structure sociale évolue vers le communautarisme religieux. Abdoulaye Tao, rédacteur en chef de l’Économiste du Faso souligne que : « Même dans le milieu des affaires, les relations évoluent dans ce sens ».
Ainsi, la religion peut-elle devenir le ciment d’une société ? La question mérite d’être posée.
Outre diverses évolutions relativement saines, on observe une détresse parmi les nouvelles générations. Ces dernières, en manque de perspective d’avenir (situation précaire, vie familiale instable, aucune proposition d’emploi, etc.) tendent à se marginaliser. Elles s’éloignent progressivement de l’animisme et leurs discours se radicalisent. Un engrenage se met donc en place : le gouvernement n’a pas les ressources nécessaires pour leur venir en aide, les jeunes se sentent ainsi abandonnés et se tournent plus encore vers ceux qui leur tendent la main : les religieux ou les prédicateurs. Lorsqu’on ajoute à cela un taux d’analphabétisation supérieur à 70%, la menace devient réelle.
La désillusion politique
Si les extrémistes religieux offrent un tel contre-pied, c’est parce que la politique en place n’a plus aucune crédibilité. La président Blaise Campaoré, qui brigue un 4ème mandat, est depuis longtemps discrédité par l’opinion publique et la communauté internationale. Il a notamment été impliqué dans l’assassinat de Thomas Sankara, son prédécesseur, « père de la révolution burkinabé ».
Déçu de ses élites politiques, le peuple se tourne vers les chefs religieux, jouissant de plus de crédit. Le Burkina Faso a même instauré un Conseil des Sages possédant un pouvoir décisionnaire conséquent. Le gouvernement lui-même se tourne vers ce conseil dans de multiples situations difficiles.
Mais au delà des Sages respectés des Burkinabés, on recense sur sur le territoire la présence de prédicateurs venus d’ailleurs (Égypte, Mali, etc.). Certains de ces prédicateurs, autoproclamés, suscitent des inquiétudes sur le terrain.
En fin de compte, si le Burkina est épargné par les séismes voisins , il n’est néanmoins pas à l’abri de tremblements. Les inquiétudes et les dangers sont sous-jacents. Dans sa situation spécifique, il semblerait que le Burkina Faso soit à la croisée des chemins. Son futur est entre les mains du peuple lui-même.
Reste à espérer que le peuple reste uni face aux conflits ethniques et aux tensions religieuses qui menacent l’Afrique subsaharienne. Si l’on en croit les dires de Joseph Zi-Kerbo, historien et président du parti pour la démocratie, si le peuple burkinabé se couche, il est mort. Et comme il le disait très justement : “Traversez la rivière en masse et vous n’aurez rien à craindre”.
Au Burkina Faso, nous avons 50% musulman, 50 chretiens et 100% animiste . tout est dit. Voila ce qui justifie notre union sans bagare.
Adolohe