L’ALE (l’aide locale à l’emploi) est une filiale d’Actiris qui œuvre, dans la plupart des communes bruxelloises, pour aider les chômeurs de longue durée à retrouver du travail. L’établissement basé à Watermael-Boitsfort en est la plus petite antenne. Son objectif est de présenter un demandeur d’emploi à un employeur ou un habitant de la commune pour de petits travaux de proximité. Une bonne manière pour un chômeur de rester actif. Seul hic, les salaires ne sont pas bien élevés. Nous avons voulu aller sur place, à la rencontre de la direction et des travailleurs pour y voir plus clair.
Le rendez-vous est pris à 9 heures dans un petit bâtiment communal qui fait presque tache au milieu des deux grandes villas qui l’entourent. Isabelle Vandam, responsable de l’ALE de Watermael-Boitsfort, nous accueille dans son bureau où le téléphone ne semble jamais s’arrêter de sonner. Elle est seule pour gérer plus de 120 dossiers : 120 chômeurs à réinsérer dans la vie professionnelle active, 120 contacts à nouer au sein de la commune. « Un sacré boulot » comme elle l’admet sans concession.
Comment faire pour aider ces chômeurs de longue durée ? La mission est compliquée. Certains sont ambitieux, motivés, d’autres hésitants, indécis. Mais tous ont le même objectif : retrouver une activité professionnelle. Grâce à l’ALE, ils ont la possibilité d’enchainer les petits boulots : jardinage, bricolage, surveillance… Les jobs sont variés (voir graphique ci-dessous). Les écoles, les ASBL, les particuliers ou encore les entreprises locales qui emploient les membres ALE y trouvent leur compte.
« Travailler pour si peu d’argent, c’est loin d’être facile, mais c’est indispensable… On a besoin de cet argent »
L’initiative est noble, mais profite-t-elle vraiment à tout le monde ? Comme souvent, il y a un revers à la médaille : les salaires sont modiques et plafonnent à 4,10 euros/heure. Nous avons pu rencontrer l’un des demandeurs d’emploi lors de l’une de nos visites à l’ALE de Watermael-Boitsfort. Nous l’appellerons Karim. Il n’a pas hésité à nous livrer son sentiment face à ses petits boulots de l’ALE : « Travailler pour si peu d’argent, c’est loin d’être facile, mais c’est indispensable… On a besoin de cet argent ».
L’histoire de Karim n’est pas simple ; sa situation non plus. Il débarque en Belgique en 2001, sans parler le néerlandais ni le français. Les débuts sont difficiles. Sans le sou, il doit trouver du travail. Karim réside alors dans un petit logement de Schaerbeek. Il se tourne vers l’ALE de la commune. Malheureusement, les files sont très longues. L’attente avant de trouver un boulot l’est tout autant. Il enchaîne les petites activités, mais il n’est pas à sa place. Comme un malaise permanent. Parfois, il ne se sent pas respecté, voire dénigré dans le travail qu’il fournit pour si peu d’argent. En 2016, il déménage à Watermael-Boitsfort. Ici, les files sont moins longues, mais sa situation ne s’améliore pas.
« Je suis venu ici il y a seize ans dans l’espoir de pouvoir faire venir ma femme en Belgique. Pour ça, il fallait que je gagne au minimum 1280 euros par mois ». Un montant qui paraît inatteignable avec l’ALE, surtout que la loi à changé depuis. Le salaire minimum légal permettant le regroupement familial est passé à 1400 euros par mois. « Aujourd’hui, c’est une mission quasi impossible. »
L’ALE, un tremplin vers une activité stable ? Pas sûr
Du côté de la direction, on ne se cherche pas d’excuses. On sait bien que les salaires sont très (trop) bas. La limite d’heures prestées pour l’ALE est fixée entre 45 et 70 heures par mois. Les revenus oscillent donc entre 100 et 300 euros. Mais l’ASBL se considère comme un tremplin vers l’emploi, un accompagnement aussi bien professionnel que psychologique. Il s’agirait d’une solution à court terme qui proposerait et financerait des formations pour augmenter les chances de retrouver du travail. « Ce n’est pas grand-chose, mais c’est déjà ça. C’est un plus aux allocations et c’est le seul système qui permet de travailler tout en étant au chômage », renchérit Isabelle Vandam.
Conditions pour pouvoir travailler pour l’ALE :
1. Les chômeurs indemnisés qui au cours des 36 mois précédant leur inscription dans une ALE ont été indemnisés pendant au mois 24 mois.
2. Les personnes qui bénéficient du revenu d’intégration ou d’une aide sociale du CPAS.
3. Des chômeurs complets indemnisés, qui sont au chômage depuis au moins deux ans (ou 6 mois s’ils ont atteint l’âge de 45 ans).
→ Aujourd’hui, l’ALE de Watermael-Boisfort compte 63% de femmes et 37% d’hommes.
“Chaque semaine, je dois venir avec des mails ou des documents qui prouvent que je cherche du travail et c’est parfois difficile.”
Depuis 2017, les membres de l’ALE doivent montrer qu’ils continuent à chercher de l’emploi. Un fardeau administratif pour certains. La direction voit cela comme une manière de continuer à être dynamique pour ne pas « rester coincé dans un système qui n’est pas considéré comme un vrai travail ». Pour Karim, c’est un poids : « Chaque semaine, je dois venir avec des mails ou des documents qui prouvent que je cherche du travail et c’est parfois difficile ».
16 ans après son arrivée en Belgique, Karim en est, lui, toujours au même point de départ. L’ALE lui a certes permis de dénicher quelques petits boulots, mais sa situation n’est toujours pas stable. L’ASBL peut être un tremplin pour certains, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas. Karim en est l’illustration.
L’ALE englue donc certaines personnes dans de petits jobs précaires ; alors que d’autres, découragés par les faibles rémunérations, pourraient être tentés de se tourner vers le travail au noir. Malgré ces effets pervers, l’ALE, toutes communes bruxelloises confondues, est aujourd’hui devenue indispensable à des centaines de personnes, celles qui ont besoin de revenus complémentaires au chômage et qui veulent les obtenir dans les règles.