Un revenu de base inconditionnel pour chaque citoyen ? L’idée a le vent en poupe. Plusieurs de nos voisins européens vont, ou ont déjà, entamé des tests pilote afin d’entrevoir la faisabilité d’une telle idée. C’est le cas, notamment, de la Finlande, des Pays-Bas, ou encore de la Suisse, bien que ce revenu de base y ait été rejeté par référendum le 5 juin dernier. Mais qu’en est-il de la Belgique ? Certains de nos politiciens planchent aussi sur le sujet. Tant à droite, qu’à gauche, l’allocation universelle fait parler d’elle.
Chez Ecolo, la volonté de changer les modèles existants n’est pas nouvelle. Bien que des divergences existent au sein du parti, voici quelques années que l’allocation inconditionnelle fait partie des dossiers en chantier. Le député fédéral, Georges Gilkinet, pense que le revenu de base promet un meilleur avenir pour les Belges. De son côté, le MR a lui aussi remis la question d’un revenu de base à l’ordre du jour. C’est le libéral Georges-Louis Bouchez qui en est l’instigateur. Bien que les deux représentants politiques s’accordent sur l’idée d’un revenu de base, ils envisagent chacun différemment l’instauration d’un tel modèle dans notre société.
Un revenu de base, pourquoi ?
« L’objectif, c’est de couvrir les besoins essentiels de chaque citoyen et d’assurer ainsi un socle de sécurité financière qui lui permet davantage d’indépendance dans ses choix de vie », soutient Georges Gilkinet (Ecolo). Il fait référence aux travaux de l’épidémiologiste anglais Richard Wilkinson sur les inégalités sociales. Le chercheur britannique montre que les inégalités de revenus nuisent à tous, car elles aggravent une grande partie des maux sanitaires et sociaux de la société (délinquance, obésité, décrochage scolaire, drogue, défiance, etc.). « Si on arrive à diminuer l’écart des richesses et à donner à chacun un revenu suffisant pour vivre, ça va profiter à tout le monde. Donc, une société qui est construite sur des bases plus égalitaires est une société plus sereine, où les gens co-habitent plus facilement ».
Du côté libéral, Georges-Louis Bouchez (MR) pense apporter une réponse positive au problème du manque d’emplois disponibles sur le marché. Selon lui, si le travail en tant qu’activité -y-compris le bénévolat ou le collaboratif- ne disparaîtra pas, l’emploi salarié, lui, est contraint de disparaître. «Parce que les nouvelles technologies, l’économie collaborative, toute une série de mutations sur le marché du travail provoquent la disparition de l’emploi salarié. De plus, sous la barre de 2% croissance, il n’y a plus de création d’emplois ». Partant de ce constat, le politicien estime que perpétuer un tel système n’est pas rationnel. C’est pourquoi il propose un revenu de base pour toute personne, belge ou étrangère, résidant légalement en Belgique, à partir de 18 ans.
Quel montant et comment le financer ?
Pour Gilkinet, plusieurs options sont possibles, à implémenter par essais-erreurs. Ce que proposent les Verts, ce serait un montant minimum, en plus duquel pourrait s’additionner un revenu salarial ou un revenu de sécurité sociale, par exemple. Et cela, tout le monde l’obtiendrait sans aucun contrôle administratif. « Et les budgets aujourd’hui utilisés dans tous les mécanismes de contrôle et dans certaines allocations seraient supprimés, pour financer l’allocation inconditionnelle. On fait une grande enveloppe et on divise par le nombre de citoyens».
Au contraire, l’allocation universelle du jeune MR postule la suppression de la totalité des allocations, à l’exception de celles qui concernent « les gros risques » (accidents du travail, hospitalisation, maladies longues). « Le problème du système d’Écolo, c’est qu’il est infinançable, », défend Georges-Louis Bouchez. « Mon financement vient d’un remplacement : on dépense à A, puis on dépense à B. Écolo, c’est un rajout ». Si l’allocation universelle s’élève à 1000 euros par mois pour tout le monde (comme proposé par le MR), le budget s’approche des 100 milliards d’euros. C’est l’équivalent de la sécurité sociale actuelle. « Dans la sécurité sociale, je vais chercher 75 milliards, et le solde des 25 milliards, ce sont les aides aux entreprises, à l’emploi, et toutes les réformes qu’on peut faire au niveau des administrations ».
Le revenu de base, un frein à l’emploi ?
Sur ce point, les deux politiques s’accordent. « Je n’y crois pas », répond le député vert. « C’est croire que le chômage est la responsabilité des demandeurs d’emplois. Aujourd’hui, il y a de toute façon moins d’emplois que de demandeurs d’emploi. A contrario, si les personnes, grâce à l’allocation universelle, choisissent de travailler à mi-temps, il y aura un partage du travail disponible qui sera plus large ». Pour Georges Gilkinet, les gens qui sont passionnés par leur boulot vont continuer à travailler. Et puis, il y en a d’autres pour lesquels le boulot est un moyen de gagner sa vie, et qui préfèreraient consacrer plus de temps à d’autres activités. « On est dans un paradoxe extra-ordinaire. On a jamais vu autant de burn-outs, de personnes épuisées par leur travail. Et il y a combien de personnes, notamment des jeunes, en train d’attendre d’avoir accès à l’emploi ? », questionne l’écolo. Pour lui, les personnes, avec un revenu de base, pourront plus facilement choisir le travail qui leur plait, et ne pas rester coincés toute une carrière dans quelque chose qui ne les rend pas heureux. « On pourrait se dire : je vais travailler à mi-temps, plutôt que de travailler à temps-plein. Sur le mi-temps que j’ai abandonné, je m’occupe de mes petits-enfants, de mes parents, d’un club sportif ou je décide de voyager , etc ».
« Ceux qui veulent vivre au crochet du système (c’est une extrême minorité), connaissent le droit social mieux que n’importe qui. Dire que ça va créer de la fainéantise, c’est faux. Celui qui ne veut rien faire, ne fera rien. Celui qui veut travailler continuera à travailler », souligne le représentant du MR.
Un impact positif sur l’économie ?
Tant chez les Bleus que chez les Verts, il est difficile de répondre à cette question. Pour l’écolo, augmenter le revenu de base de toutes les personnes, va être positif pour le fonctionnement de l’économie. « Les personnes vont voir leurs moyens de subsistance augmenter grâce à ce revenu inconditionnel et vont consommer dans l’économie de proximité. Je crois aussi que dans une société où les gens sont plus heureux et moins stressés, l’économie fonctionne mieux », précise-t-il.
Georges-Louis Bouchez pointe les potentiels impacts : « Il y aurait des effets sur le marché du travail en premier lieu. Il n’est pas anormal de penser que les salaires vont se rééquilibrer ». Le MR constate que les tests effectués en Finlande ont démontré une légère baisse des salaires (de l’ordre de 200-300 euros). Avec le revenu de base, les personnes continuent tout de même à gagner plus qu’avant. C’est l’employeur qui dépense moins. « C’est intéressant, ça peut être relativement neutre. S’il faut aller chercher un petit complément dans les charges sociales, comme l’employeur donnera moins au travailleur, on peut prélever le solde au niveau des charges. Le coût employeur resterait identique ». Ce que va aussi créer le revenu de base universel, c’est un revenu disponible pour des gens qui n’en reçoivent pas du tout. Selon le MR, ces personnes pourraient influencer quelque peu l’inflation.
Le libéral reste tout de même prudent : personne, à l’heure actuelle, ne peut dire tous les effets qu’un revenu de base aurait dans une économie. Mais selon lui, cela ne peut pas être un argument pour refuser l’allocation. « Personne ne peut prédire comment sera notre système social, dans 5, 10, 15 ans ».
Un revenu de base inconditionnel en Belgique pour 2020-2030 ?
Pour Georges Gilkinet, « l’enjeu, c’est de rassembler une masse significative de penseurs, de mouvements sociaux, de citoyens autour de cette idée, et à un moment commencer à pouvoir la tester dans des situations réelles et un jour en faire une loi ». Ce genre d’idées, ce sont des utopies qui doivent d’abord être acceptées, expliquées, critiquées et peut-être qu’un jour cela devient une loi. « Peut-être qu’un jour dans dix-vingt ans on déposera une loi parce qu’il y a trente ans des personnes ont dit que c’est un autre modèle qui devrait être testé ».
Le MR, lui, se montre plus optimiste : « Finalement, en Belgique, si on continue à ce rythme-là, dans deux ans, il sera à l’agenda. Maintenant, il y aura certainement des coups d’arrêt, les problèmes de la réforme de l’État. Ce sera très dépendant de la personnalité des gens qui seront au pouvoir ». Pour George-Louis Bouchez, ce momentum rendant possible un tel changement avec le revenu de base, ce sera entre 2020 et 2030. Pas dans 50 ans. Et il a une certitude : « la société qu’on connaîtra à la fin de notre vie, ne sera pas la même qu’aujourd’hui. Il y a deux possibilités : soit, on encadre ces changements en prenant de nouvelles mesures ; soit, on laisse ces changements s’appliquer et on les subit, et là, des gens vont méchamment déguster».
« On ne voit pas la plus-value de l’allocation universelle”
A la table du débat, il y a des « pour », mais il y a aussi des « contre». Marc Goblet, Secrétaire Général de la FGTB, s’oppose au projet d’un revenu de base universel. Détail de l’argumentaire.
1. C’est une remise en cause de la concertation sociale. Selon Marc Goblet, la sécurité sociale apporte déjà une protection sociale. « On ne voit pas la plus-value de l’allocation universelle. La sécurité sociale garantit déjà un revenu aux travailleurs, quand ils sont malades, qu’ils perdent leur emploi, pour leur pension, pour les allocations familiales, etc. »
2. Pas de plan de concret de mise en marche. « Il y aussi plein d’inconnues. Moi, je n’ai pas entendu dans ceux qui sont pour, comment ils allaient le faire fonctionner pour garantir toute une série de protections ».
3. Pourquoi ne pas plutôt améliorer le modèle actuel ? On peut améliorer la situation en renforçant les droits qui existent déjà. « On pourrait augmenter le budget dans ce qui existe pour remplacer le revenu de base et rendre aussi la sécurité sociale inconditionnelle ».
4. Deux alternatives pour améliorer le modèle actuel: « La réduction collective du temps de travail pour permettre à plus de travailleurs d’avoir un emploi correct, de mieux concilier vie privée et vie professionnelle ». Ensuite, un financement qui repose aussi sur le capital des entreprises. Celles qui ne créent pas d’emplois participeraient au financement de la sécurité sociale, par une cotisation sur le chiffre d’affaires, sur la valeur ajoutée.
Désolé pour la faute de frappe : « Lazard » est la banque née de la ruée vers l’or californienne et familière depuis des magouilles de la haute finance transatlantique. Daniel Cohen, le gourou du RdB en France (MFRB, fondation Jean Jaurès, coulisses de la gauche caviar, etc.), est un pion notoire de la banque Lazard. Quel hasard !
Bonjour,
Le revenu de base a été aujourd’hui récupéré par le lobby bancaire (qui finance Daniel Cohen, le MFRB, etc.)
Le projet capitaliste consiste à injecter une massa monétaire colossale vie le crédit garanti par l’Etat (le revenu de base a la même fonction hypothécaire qu’un CDI). Les liquidités seront avancées par les banques américaines qui organisent la campagne européenne actuelle.
La masse monétaire ainsi injectée serait de l’ordre de 10 fois le PIB, c’est pharaonique et dangereux pour l’économie.
Cela va occasionner des bulles en tous genres mais surtout une flambée conjointe des taux de crédit et de l’immobilier (qui sont pourtant usuellement corrélés négativement comme des vases communicant). Avec une flopée de produits financiers dérivés du crédit. Le RdB, un nouveau produit toxique, rien d’autre.
Le RdB constitue ainsi une bouée de sauvetage du système bancaire (européen et US) et non une aide sociale.
Les syndicats ont des dossiers prêts pour contrer cette propagande capitaliste en temps opportun, après le lobbying des traités transatlantiques.
Pour servir d’hypothèque à la bulle de crédit, il est essentiel qu’il soit « inconditionnel » et « à vie », comme par hasard mon cher « Lazrard » !
Plus d’explications dans les commentaires (pseudo pascal) aux liens suivants …
Sur le blog de Jean Gadrey
Le revenu de base ou l’ambiance du Club Med à prix cassés
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2015/01/13/revenu-de-base-revenu-universel-pas-facile-de-se-faire-une-idee/
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2016/09/17/revenu-de-base-du-nouveau/
Approche progressiste d’une autre voie, le partage du temps de travail et une petite mise en garde contre les dévoiements pseudoscientifiques des outils mathématiques (dérive omniprésente chez les idéologues du revenu de base)
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2016/10/15/quatre-graphiques-commentes-sur-la-necessite-de-la-rtt/#comment-415923
Intermède ludique : « Panem et circenses » nouvelle version, le foot pro
http://alternatives-economiques.fr/blogs/gadrey/2016/06/14/comment-ils-nous-ont-vole-le-football/
Sur le Monde Diplo
L’utopie du revenu garanti récupérée par la Silicon Valley ‘Monde Diplo).
En vrac dans le liste des 70 commentaires, les distractions sous pseudo « pascalgigi ».
http://blog.mondediplo.net/2016-02-29-L-utopie-du-revenu-garanti-recuperee-par-la
Vous pouvez aussi fouiller le site de Podemos France qui accepte généreusement mes brouillons tout azimut (principalement en commentaires de l’article sur le revenu garanti).
http://podemosfrance.info/
Cordialement,
pascal
[…] voient dans l’allocation universelle la déliquescence de l’État social. D’autres, comme le syndicaliste socialiste Marc Goblet, lui reprochent d’être inutile : autant renforcer le système de protection sociale actuel. Qu’en […]