Après La Marche pour la vie à Bruxelles, les déclarations chocs de Constance Du Bus (porte-parole d’un groupe pro-vie), un professeur de l’UCL qui dans son cours fait passer un message anti-avortement, le débat sur le droit à l’avortement refait surface. Au-delà de ces événements récents, d’autres problèmes existent et ne datent pas d’hier.
Des débuts compliqués
Le 3 avril 1990, la loi “Lallemand-Michielsens” a légalisé l’avortement en Belgique. Une véritable victoire pour ses défenseurs, mais cela n’a pas été sans mal. Durant trente ans, des médecins se sont battus pour rendre l’avortement légal en Belgique, à l’image de Willy Peers. Bien qu’ils aient obtenu gain de cause, le combat fut long. Même la signature de la loi a posé problème. En effet, le Roi Baudouin, fervent catholique, y était fortement opposé. Afin de ne pas devoir sanctionner cette loi, il s’est volontairement mis temporairement dans l’incapacité de régner. Ainsi, c’est le gouvernement qui s’est chargé de signer la proposition de loi.
Pas uniquement des gynécologues
Vingt-sept ans plus tard, la mise en pratique du droit à l’avortement n’est pas encore si évidente. De moins en moins de gynécologues pratiquent des IVG (interruptions volontaires de grossesse). Cette situation s’explique notamment par un désintérêt des gynécologues pour les questions sexuelles et reproductives. Dans les plannings familiaux, ce sont principalement des médecins généralistes qui pratiquent les avortements. Chaque année, entre trois et quatre médecins généralistes belges apprennent ces techniques. Notons que l’ULB est la seule université du pays à proposer cette formation.
Des hôpitaux qui court-circuitent la clause de conscience
La clause de conscience autorise les médecins à refuser de pratiquer un avortement si cela va à l’encontre de leurs convictions personnelles. Ils ont cependant l’obligation de renseigner le nom d’un confrère. Les médecins ne sont pas toujours libres de choisir la clause de conscience. Et selon Dominique Roynet, médecin et fervente défenseuse de l’avortement, de nombreux hôpitaux catholiques interdisent à leurs médecins de pratiquer des IVG même si ces derniers n’y sont pas opposés par choix personnel. Si cela perdure, le droit à l’avortement risquerait d’en pâtir.
Vers une reconnaissance précoce de paternité
Récemment, une nouvelle polémique a vu le jour. Le 9 février dernier, la Chambre a adopté une proposition de loi reconnaissant la filiation paternelle sans délai minimal de grossesse. Selon le groupe PS, cette proposition pourrait être une atteinte au droit à l’IVG en Belgique. Cette reconnaissance paternelle induit forcément une reconnaissance du fœtus qui serait alors considéré comme un enfant dès sa conception. Un avortement reviendrait alors à un homicide volontaire.
Vers un acte de naissance pour les enfants mort-nés
Cela remet évidemment en lumière le débat lancé par le CD&V. Le parti souhaite faire délivrer un acte de naissance pour un enfant mort-né à partir de 140 jours de grossesse. Actuellement, cela peut se faire à partir du 180e jour.
Selon Mathieu Bihet, président national des jeunes MR, « cette proposition de loi pose clairement problème car cela donnerait très tôt un statut au fœtus. Dans certains cas, cela pourrait entraîner une fin de l’IVG. Cette proposition de loi met en danger le droit à l’avortement qu’ont actuellement les femmes belges. Pour soutenir ce droit, il est notamment nécessaire de sortir l’IVG du Code pénal, aujourd’hui citée comme crime contre l’ordre des familles et la morale publique. Indirectement, les femmes qui traversent ces épreuves sont encore blâmées par la loi. »
Dans cette optique, diverses propositions de loi de santé publique ont été faites par DéFI, Ecolo-Groen et le PS. Plusieurs organisations, comme le Centre d’actions laïques, souhaitent également supprimer l’avortement du Code pénal. Les défenseurs du droit à l’avortement ne semblent pas être prêts à abandonner leur combat !
À la rencontre des personnes directement concernées par l’avortement
Afin d’en apprendre davantage sur la question, je vais réaliser durant une année complète un reportage sur le droit à l’avortement en Belgique et en Irlande, où l’avortement est interdit par la loi. Du 26 juin au 5 juillet, avec mon groupe, nous nous rendrons à Dublin à la rencontre de femmes qui n’ont pas pu avorter dans leur propre pays. Nous rencontrerons également des associations qui défendent leurs droits.
En Belgique, nous donnerons la parole aux femmes souhaitant ou ayant avorté, afin qu’elles nous expliquent leur ressenti mais aussi les éventuelles difficultés auxquelles elles ont dû faire face. N’hésitez pas à nous suivre sur notre page Facebook Doc’, j’avorte ?