Le harcèlement chez les jeunes est une problématique majeure, puisque selon une enquête réalisée par le GIRSEF (UCL) en FWB, 16% des élèves allant de la 6ème primaire à la 3ème secondaire se déclarent être régulièrement victimes de harcèlement. Face à cette situation, de nombreuses initiatives ont vu le jour, c’est le cas de 103-Ecoute-Enfants qui, depuis 27 ans, se veut un service d’appel anonyme gratuit et disponible 7 jours sur 7, de 10h à minuit. En 2015, ce service a traité près de 23 000 appels, ce qui représente en moyenne quatre appels à contenu (donc pas des blagues téléphoniques) par jour, d’une gravité et d’une durée plus importante qu’en 2014. C’est à Fernelmont que nous avons rencontré Sara, écoutante au sein du 103-Ecoute-Enfants.
“Ecoute enfants, bonjour”
Sara assure sa permanence, cette assistante sociale met à profit son savoir professionnel pour les jeunes dans le besoin. Une manière, pour les enfants, adolescents et adultes, de s’assurer un coin d’écoute, dans l’anonymat complet. “Pour ce qui est des enfants, ceux qui nous appellent le plus se situent entre 13 et 15 ans, ce sont généralement des filles, puisqu’elles verbalisent beaucoup plus. Pour les adultes, ce sont souvent des parents face à une situation avec un enfant difficile, une situation de divorce, ou de harcèlement scolaire. Il arrive même que l’adulte téléphone avec l’enfant“.
Le service a lui aussi des pics de fréquentation, surtout pour deux tranches horaire : 14h-16h et 18h-20h. Pourtant les appels ne se ressemblent pas, puisqu’en soirée, il y a plus de situation de crise.
“Cela peut être frustrant de savoir qu’il peut raccrocher quand il le veut”
C’est le principe même du centre, un service d’appel. Pas de suivi, pas de contact physique. Alors que cela permet une certaine distance et relativité par rapport aux situations, la frustration reste entière : “On est préparé à ça, on est tous des professionnels. On sait que le travail est comme ça. Même si cela peut être frustrant de ne pas avoir des nouvelles du jeune, de savoir qu’il peut raccrocher quand il le veut aussi.”
Le 103-Ecoute-Enfants bénéficie cependant d’une possibilité face à un cas d’extrême urgence : le relevé d’identité, à certaines conditions. “La levée d’anonymat peut se faire uniquement quand le jeune est en danger et qu’il demande de l’aide. Si le jeune ne veut pas qu’on le fasse, on ne peut rien faire“.
Sara nous l’affirme, la levée d’anonymat a déjà été utilisé, elle se souvient d’une jeune fille qui se mutilait au téléphone et qui a fini par dire “appelez le 112 pour moi, je saigne de plus en plus“. Malheureusement, ce récit n’est pas unique. Souvenons-nous de Louise, 16 ans, qui s’est suicidée des suites d’harcèlement sur le site ask.fm en septembre 2014. C’est pour cette raison que tous les écoutants du service reçoivent une formation en prévention de suicide : “on y est souvent confronté, pas spécialement à l’acte en lui-même, mais à des situations de mal-être, des idées noires et des mutilations“.
Un poste qui n’est donc pas forcément facile, puisqu’il comporte un lourd poids psychologique.”On essaye de se mettre une barrière, on se dit que quand on est ici on fait le maximum, on encourage le jeune à libérer sa parole, à aller vers d’autres services comme un PMS, un planning familial. On fait notre possible pour que la personne parle. On est un système d’écoute, on sait qu’on ne pourra pas voir les gens en face à face… Oui, ce n’est pas facile“.
Des canulars à répétition
Une journée n’est pas l’autre au 103-Ecoute-Enfants. Alors qu’elle se rythme par des appels divers, les blagues téléphoniques font également parties du quotidien des écoutants. “On a beaucoup de blagues parce que c’est un service gratuit. Sur les temps de midi ou de récréation, ils sonnent en groupe. Soit ce sont des petits enfants de 7-8-9 ans, dans ce cas là on leur explique que c’est un service sérieux. Parfois ce sont des adolescents de 17 ans, et on estime qu’à cet âge-là, ils peuvent comprendre qu’on est un service sérieux. Quand ils font des blagues, c’est autour des mêmes sujets : l’école, la violence familiale ou scolaire et la sexualité“. Canulars en tous genres et pervers même, le 103-Ecoute-Enfants a du établir une liste noire des libidineux qui les appellent régulièrement.
“Parfois, c’est au bout de plusieurs appels que la situation peut se débloquer”
Le lien de confiance, c’est la véritable clé pour les écoutants. Pour Sara, “le travail, c’est d’accrocher le jeune, parfois c’est au bout de plusieurs appels que le lien de confiance s’installe et que la situation peut se débloquer“. Un contact qui débouche parfois sur des conversations qui s’étalent sur la durée. “On a beaucoup d’habitués, parfois ce sont même des gens qui nous appellent depuis deux ans. Souvent il y a un premier contact, et puis une période de blanc quand la situation se débloque, et après ils rappellent des mois après pour nous raconter leur journée, leur vie,…“. Une habitude qui a poussé le centre a établir une limite de temps : 15 minutes par jour pour les habitués, pour les autres, aucune restriction. Le but est également de faire comprendre que le 103-Ecoute-Enfants, ce n’est pas des consultations psychologiques, mais bien de l’écoute. Le but premier est d’offrir à la personne à l’autre bout du fil la possibilité de se confier, tout en lui apportant les conseils et les solutions possibles.