La préfecture du Pas-de-Calais a donné un arrêté d’expulsion de la partie sud du bidonville de Calais, ce vendredi 19 février. Cet arrêté concerne 1000 à 3000 migrants, il dépend d’un juge à Lille dont le verdict est imminent. En cas d’expulsion, le gouverneur de Flandre-Occidentale, Carl Decaluwé, craint qu’une partie des migrants se rende à Zeebrugge “pour y tenter leur chance et essayer une nouvelle fois de rejoindre le Royaume-Uni”. Il estime donc qu’il faut ”s’y préparer”. C’est ce qui a amené la Belgique à déployer un arsenal de 250 à 290 policiers pour contrôler la frontière franco-belge. “Ces situations exceptionnelles sont prévues par le traité Schengen”, a expliqué le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon, sur les ondes de La Première. Son but est d’éviter une autre “Jungle” sur le sol belge. Et Charles Michel de défendre cette mesure : il n’a pas l’intention de laisser des zones de non-droit se développer en Belgique.
Cette fermeture des frontières est une première depuis l’entrée en application de l’accord Schengen en 1985 et “ça durera le temps qu’il faudra” selon Jan Jambon.
Un afflux massif à venir ?
Vu la mise en place des forces de l’ordre à la côte belge, les autorités doivent-elles craindre un afflux massif de toutes ces personnes jetées de leur camp boueux ? Pour Jean-Pierre Luxen, directeur de Fedasil, interrogé par la RTBF, ces personnes veulent à tout prix aller au Royaume-Uni, elles ne viendront donc pas en Belgique pour s’enregistrer. Selon cet observateur, les migrants feront tout pour rejoindre les côtes outre-Manche et, quitte à passer par Zeebrugge.
On peut se demander ce qu’il se passera une fois que les migrants seront arrêtés par la police ou refoulés. Les récentes fermetures de frontières, dans les Balkans notamment, ont montré l’usage massif de matraques, de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène pour faire face à l’afflux de migrants. C’est l’un des faits dénoncés par Amnesty International dans son rapport 2016 paru ce 24 février 2016. Jusqu’à présent, la police belge semble plutôt vouloir guider les migrants désireux de faire une demande d’asile sur le sol belge, tout en refoulant les autres. “Soyons clairs avec eux, celui qui fait une demande pour la Belgique est le bienvenu et sera guidé vers les services compétents”, a indiqué Peter Dewaele, de la Police fédérale.
Selon Belga, 84 personnes ont déjà été interceptées ces dernières 24 heures du côté de La Panne, en provenance de Dunkerque. La Police fédérale a fait remarquer que, pour la première fois, ces personnes sont venues avec leurs bagages. On en déduit qu’ils ne comptent pas retourner vers la France. A priori, ils ne sont pas dans l’optique de créer un camp à La Panne.
En attendant, au camp
La rédaction du BBB a recueilli les propos de Michel Janssens, Chef de Mission « Médecins Sans Frontières exilés France ». Les organisations présentes sur place sont contre cette précipitation, et demandent un travail de longue haleine, afin de laisser le temps aux migrants de se retourner. « C’est une mauvaise nouvelle. Ils sont stressés, ils sont entourés par des policiers. Ils ont peur de ne pas savoir où aller parce qu’ils risquent de se retrouver à la rue. » MSF demande des conditions décentes et la création de plus petits centres d’accueil dans différentes communes.
L’état actuel du bidonville est sinistre. Au vu des derniers événements, la tension est palpable aux abords du camp et on observe une forte présence policière. Quant à des cas de violence policière, il ne peut pas se prononcer pour l’instant : « Des patients viennent pour coups et blessures… On ne sait pas s’ils ont été occasionnés par une rixe dans la communauté, mais certains ont les mains ou le visage lacérés – ce sont donc les barbelés -, des foulures et des entorses… Mais est-ce qu’ils ont mal escaladé et sont tombés tout seuls ou est-ce qu’on les a poussés ? », ajoute Michel Janssens.
Un problème qui concerne l’Europe
Interrogé dans l’émission Matin Première (RTBF), Philippe Hensmans le directeur de la section belge francophone d’Amnesty, met en avant la situation catastrophique qui est en train de se passer. L’Europe gère d’une manière désastreuse cette crise migratoire alors que ces réfugiés n’ont pas fini d’arriver vu les records d’affluence observés en 2016. Il dénonce le fait qu’il y a “un manque de structuration de la réflexion au niveau européen” et qu’il est temps que les trois pays concernés, c’est-à-dire la France, l’Angleterre et la Belgique se mettent autour de la table et qu’ils examinent la meilleure solution pour répondre à ce problème. Sans oublier de le faire “de façon humaine et d’éviter que ces personnes qui sont là ne soient pas obligées de camper dans la boue”.