Le cinéma belge francophone est bien portant. Un petit peu ventripotent même, à tel point que sa panse dépasse timidement de son Marcel. Il n’en est pas pour autant entièrement repu, mais à tout le moins rasséréné de voir son appétit, en apparence inextinguible, momentanément dompté. La cinquantaine assumée, les pellicules affluent à force de se gratter la tête en quête d’idées nouvelles. Depuis 1967, il est en effet aidé par une Fédération Wallonie-Bruxelles volontaire et même plutôt généreuse, avec l’instauration des subventions dans le septième art. Toutefois, l’écart entre le financement des productions belges et celui très glouton des grandes puissances cinématographiques reste gargantuesque.
Ce n’est pas forcément une fatalité selon Nicolas Buytaers, spécialiste cinéma de la RTBF : « Le cinéma belge est riche, intéressant et varié. En somme, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ». Et des idées raffinées, il a fallu en extraire pour que les cinéastes belges obtiennent leurs lettres de noblesse. Voilà 20 ans, le monde du cinéma semblait découvrir un maigre lopin de terre houilleuse sis entre Allemagne, France et Pays-Bas. Jaco Van Dormael et les frères Dardenne ont tracé à cette époque le sillon pour les autres réalisateurs du Plat Pays.
Les jeunes loups montrent les crocs
« Pendant un temps, le cinéma belge francophone a été estampillé comme étant un cinéma social, gris, triste. Désormais, les réalisateurs osent plus, diversifient les genres et les thématiques. Olivier Masset-Depasse, par exemple, a fourni un cinéma essentiellement d’auteur mais sera à la tête du prochain Largo Winch, alors que Joachim Lafosse est capable de présenter des films totalement différents les uns des autres » explique Buytaers. Ces jeunes loups ont donc eu le temps de se faire les crocs et de tâter le terrain avant de rejoindre progressivement la meute.
Par contre, de l’autre côté de la frontière linguistique, la meute homologue s’attaque à un territoire bien plus vaste. À pas feutrés, ils aspirent secrètement à parvenir à un territoire intarissable pour assouvir leurs ambitions de grandeur : le Bois-de-Houx (Hollywood pour les moins anglophones). Félix Van Groeningen et Michael Roskam sont les derniers à s’être exportés outre-Atlantique pour réaliser des films mettant respectivement à l’affiche ni plus ni moins que Steve Carell et Tom Hardy.
Malgré cet essor manifeste, le fait est que la lumière faite sur les productions cinématographiques belges francophones reste tamisée. Et pour cause, le cinéma français lui fait particulièrement ombrage. « Le problème est que nos talents ne sont pas des stars, principalement parce que les Belges ne se comportent pas comme telles. Or, le public belge préfère de manière générale le cinéma français parce qu’il en regorge » analyse Buytaers. « L’une des raisons de ce faible rayonnement tient également au manque de moyens alloués ? à la promotion-même. Un blockbuster américain va investir des centaines de millions en la matière, ce qui serait suffisant pour réaliser des dizaines de films sur notre sol » poursuit-il.
Et le FIFF dans tout ça ?
De fait, les cinéastes belges combattent à coups de lance-pierre face à l’artillerie lourde hollywoodienne. La Fédération Wallonie-Bruxelles s’attache tout de même à saluer le cinéma belge à sa façon, notamment par l’entremise du FIFF. « L’envergure du FIFF a suivi l’évolution du cinéma belge, et vice-versa » raconte Hervé Le Phuez, coordonnateur du festival. « Un tournant aura été le Tax Shelter, ce système d’exemption d’impôt au bénéfice de l’audiovisuel en Belgique. Les tournages ont afflué de l’étranger et la qualité de nos techniciens est allée croissante » ajoute-t-il.
Grâce à la baisse généralisée des coûts de production, les tournages sont devenus abordables, même pour les amateurs. C’est la raison pour laquelle la plupart des jeunes réalisateurs privilégient de fourbir leurs armes avec les courts-métrages avant de se lancer corps et âme dans la bataille. « L’écolage cinématographique a également connu de forts progrès à tous les niveaux, aussi bien d’un point de vue technique que théorique. La preuve en est que les professeurs des instituts d’art et de diffusion sont généralement issus du sérail puisqu’ils sont souvent réalisateurs, producteurs, techniciens… » note Le Phuez.
En septembre, une initiative lancée par une quarantaine de producteurs et distributeurs aboutissait à la mise en place de la plateforme Uncut. Le but est d’y promouvoir le cinéma d’auteur avec un système de vidéo à la demande, sur base d’un abonnement mensuel. Voilà peut-être de quoi dynamiser un peu plus ce cinquantenaire grassouillet qu’est le cinéma belge.