En cette saison de carnavals, costumes et instruments traditionnels sont de sortie. C’est l’occasion de se pencher sur le folklore à la belge. Longtemps déprécié parce que « populaire » et marqué d’une connotation péjorative, le folklore connaît aujourd’hui un engouement et une sympathie inégalés. La reconnaissance à l’UNESCO de fêtes folkloriques représentatives de nos régions n’est pas étrangère à ce phénomène. Rencontre avec Jean-Pierre Ducastelle, historien et délégué de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’UNESCO pour le patrimoine oral et immatériel. Pour lui, le folklore permet de tisser du lien social. Il est un agent fédérateur en Europe occidentale.
Quel est le sens premier du mot “folklore” ?
Au départ, c’est l’étude des traditions populaires, puis c’est devenu les traditions populaires elles-mêmes. On a commencé à étudier le folklore à partir du 19e siècle. Pourtant, on a longtemps considéré que ce n’était pas vraiment de la culture et que seuls des intellectuels un peu « fêlés » s’y intéressaient. Pourtant, le folklore est identitaire, c’est-à-dire qu’il représente l’identité d’une ville ou d’une région. L’attachement d’une communauté à son folklore est intergénérationnel, il se perpétue de génération en génération. Ce lien, inexplicable, se transmet au sein des familles : c’est une éducation, une tradition. Mais les traditions ne sont pas quelque chose de figé, ça se transforme et se renouvelle.
Le folklore a-t-il toujours connu l’engouement qu’on lui connaît actuellement ?
Non, c’était considéré comme quelque chose de populaire, de vulgaire, auquel il ne fallait pas s’intéresser parce que ce n’était pas de la culture. La culture, c’est l’art.
Dans les années 1960, il y a eu un recul de l’intérêt pour le folklore. En effet, les gens pensaient qu’il ne fallait plus s’y attacher, qu’il fallait prospérer. Mais avec la crise économique de 1973, les gens retrouvent leurs racines et s’intéressent de nouveau au patrimoine. A l’heure actuelle, il y a un vrai changement de mentalité : une recherche identitaire autour du terme de « patrimoine culturel et immatériel » initié par l’UNESCO.
Le folklore fait-il l’unanimité ?
Le folklore peut mettre en exergue des problèmes comme le racisme. Le Sauvage de la Ducasse d’Ath a suscité bien des débats : nous pouvons voir cela comme une vision raciste ou comme un témoignage de la vision du 19e siècle. Aujourd’hui, cela ne correspond plus à nos idées. Mais cet exemple est un problème marginal à côté du consensus.
A vos yeux, le folklore est fédérateur ?
Avant dans les cortèges de géants, les figurants qui participaient étaient des gens avec des métiers manuels. Par exemple à Ath, les porteurs soulèvent plus ou moins 120kg sur les épaules, donc ceux qui portaient des sacs de 100kg à longueur de journée étaient entraînés. Mais maintenant ce n’est plus le cas, il y a vraiment une mixité sociale : nous pouvons y retrouver des ouvriers, des employés, des commerçants, des ingénieurs…
Le folklore fédère car il est rassembleur : les traditions sont les mêmes en Europe, c’est la même façon de voir les choses (notion d’identité à une région). Par exemple, si vous allez à la fête communale de Douai, il y aura la même ambiance qu’à la Ducasse d’Ath ou au Doudou de Mons. Le folklore sert à rassembler les gens, il n’y a plus de différence sociale.
Propos recueillis par Doriane Vandaul