Aneta s’active derrière son comptoir. Elle travaille dans un petit magasin polonais sur la chaussée de Waterloo dans la commune de Saint-Gilles. « Le Jeudi gras, les clients sont beaucoup plus nombreux que d’habitude ».
La plupart de ses clients font la file pour acheter des pâtisseries traditionnelles polonaises. Il y a d’une part les célèbres « paczki ». Ce sont des beignets ronds recouverts d’un épais glaçage au sucre, fourrés à la confiture de fraise, de myrtille ou de rose. D’autre part, il y a également les fameux « faworki » qui sont vendus en grand nombre. Il s’agit de longs biscuits frits et saupoudrés de sucre glace.
Ces deux pâtisseries traditionnelles sont les symboles de la fête du Jeudi gras. Celui-ci marque le début du Carême et tombe donc chaque année à une date sensiblement différente.
” On en vend parfois la veille du Jeudi gras, mais la plupart du temps les clients préfèrent le jour même. Cela fait partie de la coutume”.
« Dans mon enfance, la plupart des gens préparaient ce genre de douceurs chez eux » se souvient Aneta. « Aujourd’hui, je pense que c’est de plus en plus rare. Beaucoup préfèrent les acheter en magasin, soit par manque de temps, soit parce que ces recettes de grand-mère se perdent progressivement. On en vend parfois la veille du Jeudi gras, mais la plupart du temps, les clients préfèrent les acheter le jour-même. Cela fait partie de la coutume »
Alicja travaille elle aussi dans un petit magasin polonais à quelques pas de la porte de Halle. Avec un sourire aussi doux que les beignets qu’elle dispose sur le comptoir, elle me raconte volontiers comment son magasin prépare le Jeudi gras. « Ici, on commande aussi bien les paczki que les faworki parfois jusqu’à deux semaines à l’avance. On les commande dans deux boulangeries polonaises différentes, l’une basée à Bruxelles, l’autre dans la ville polonaise de Sczczecin. Dans ce cas, ils arrivent par camion en moins de 24 heures »
Une tradition ancienne d’origine biblique
L’origine de la tradition du Jeudi gras remonte loin dans le temps. Pour Wieslaw Bakowski, prêtre polonais de la paroisse d’Ostroleka, la véritable signification de cette fête est souvent oubliée. « Le Jeudi gras marque une étape symbolique importante dans le calendrier chrétien à deux niveaux. Premièrement, il s’agit de bien manger avant de débuter la période du jeûne de 40 jours précédant la résurrection du Christ, c’est-à-dire le Carême. Les Chrétiens ont pour habitude de se refuser certaines gourmandises durant cette période afin de purifier leur organisme et ainsi de mieux apprécier les diverses douceurs culinaires une fois cette période écoulée. Deuxièmement, le Jeudi gras est également la fête du « odpust » (pardon). A cette occasion, les fidèles se rendent à la messe pour y recevoir le sacrement de réconciliation. »
Pour Alicja, au-delà d’être catholiques, les Polonais sont surtout très attachés à leurs traditions nationales. « Moi, par exemple, je ne vais pas spécialement à la messe. Par contre, j’adore nos traditions. Il y a peu d’autres pays européens où les coutumes nationales sont transmises aux nouvelles générations avec autant d’enthousiasme qu’en Pologne. »
C’est donc avec ferveur que la diaspora polonaise de Saint-Gilles fête le Jeudi gras, à plusieurs centaines de kilomètres de son pays d’origine. Une façon de retrouver un peu de la douceur slave à Bruxelles.