Interview Periscope sur une tablette, live-tweet assuré grâce au hashtag #obsweb, notifications de la story Snapchat d’Obsweb sur son smartphone. « L’information et les supports mobiles » ont occupé une place centrale lors des 6e entretiens du webjournalisme, ce vendredi 26 février 2016 à l’université de Metz. Plusieurs tables rondes étaient organisées, dont celle consacrée aux retours d’expériences des professionnels du “mojo”. La relation de proximité entre les médias et leurs mobinautes était au cœur des échanges animés par Philippe Couve.
1. Un JT 100% iPhone pour la télé locale Léman Bleu TV
« Très peu de certitudes, beaucoup d’hypothèses et un malentendu. » Laurent Keller , directeur et rédacteur en chef de Léman Bleu TV, est aussi humble que sincère lorsqu’il évoque son approche du journalisme mobile. L’addict de l’information, « shooté à la réactivité et à la proximité », revient sur ce qui a favorisé le basculement de la télé locale vers un JT 100% iPhone, en juin 2015 : « Un jour, un de mes journalistes a pris la liberté d’insérer un peu d’images tournées à la GoPro et au mobile dans un sujet. Ça a attiré notre œil. Il fallait oser évacuer le débat sur la qualité et faire une télévision locale différente. »
.@kellerla @lemanbleutv une rédaction de télé locale qui a fait le choix du journalisme mobile avec iphones #obsweb pic.twitter.com/6nMpK2jgzE
— Nicolas Becquet (@NicolasBecquet) 26 février 2016
Aujourd’hui, le journaliste suisse ne regrette pas son approche qu’il qualifie de « radicale » : « Nous avons gagné en légéreté, en interactivité et en réactivité. Certains de nos journalistes ont réinventé leur storytelling, ils se sont rapprochés de l’action. »
Grâce à ce dispositif, Léman Bleu peut proposer une télévision incarnée. « Longtemps, on s’est battus pour être une télé régionale. Aujourd’hui, on peut être fiers d’être une télé locale », lance @kellerla. Le changement organisationnel réussi, un nouveau challenge attend la rédaction de Léman Bleu : « En filmant avec un mobile, nous utilisons le même outil que les spectateurs. Le défi maintenant est de trouver comment on va se rencontrer. La réflexion continue. »
Ah, au fait, le malentendu : “On croyait qu’un média norvégien avait déjà réalisé ce type de projet. En fait, non !”
2. La démarche participative d’Earth Alert
Pour être proches de leurs utilisateurs, le journaliste Steven Jambot, le développeur Alaeddine Ouertani et la graphiste Emmanuelle Nicolas ont développé Earth Alert, une appli mobile participative de sensibilisation au développement durable. Steven Jambot, présent dans le panel de la table-ronde, explique l’idée du trio de France Médias Monde (RFI-France 24) : « Les citoyens utilisent leur smartphone pour lancer des alertes géolocalisées. A partir d’un certain nombre de “likes” et de partages sur les réseaux sociaux, un journaliste se rend sur place pour faire un reportage. »
Slides de la présentation de Steven Jambot
Le prototype de cette appli a remporté l’édition française de l’Editors Lab du Global Editors Network (GEN) en mars 2015, puis la version internationale le 19 juin 2015 à Barcelone. Le projet cherche aujourd’hui des financeurs. « La Bill & Melinda Gates Foundation est intéressée, ainsi que l’OIF, l’Organisation internationale de la francophonie, souffle Steven Jambot. Des sites de pétitions en ligne comme Change.org ou Avaaz.org peuvent aussi s’emparer de notre application. »
3. Couvrir la Coupe du Monde de rugby sur WhatsApp, ou comment 20 Minutes s’est fait passer pour un pote
Antoine Maes, chef des sports de 20 Minutes, a couvert la Coupe du monde de rugby 2015 sur WhatsApp. Il s’est servi de l’appli comme d’un « service de dialogue et d’échange ». « L’objectif était d’identifier et de rassembler une communauté autour d’un contenu spécifique », explique-t-il.
Cette stratégie de conversation, également au cœur de l’appli Quartz, est passée par le ton employé. « On envoyait une sorte de newsletter rénovée le matin qui donnait un rendez-vous. Le ton était direct, quasi familier », détaille Antoine Maes. Le taux d’ouverture était en moyenne de 5%.
Cette technique leur a permis de créer une vraie proximité avec les utilisateurs. « Les gens ne nous ont plus pris pour un média mais pour un pote, témoigne @AntoineMaes. WhatsApp ressemble à ce que pouvait être Facebook en 2003 : un espace d’intimité. »
Ce type d’expérimentation auprès de 2.000 utilisateurs n’a pas été sans difficulté. « WhatsApp n’est pas fait pour cette utilisation éditoriale. Tous les contacts devaient être entrés à la main. Les listes sont limités à 256 contacts et WhatsApp ne permet pas de jeter du contenu à 2.000 personnes en même temps. Si vous envoyez le contenu au premier contact à 7h10, le dernier le recevra à 7h45 », analyse le journaliste. Des problèmes partagés par Libération lors de son compte-rendu en direct des élections régionales de 2015 sur WhatsApp.
4. Exils, de la radio augmentée qui s’adapte à l’audience
Avec “Exils”, Nicolae Schiau démontre qu’un journaliste peut incarner son sujet : “Je voulais documenter le parcours avec les migrants de manière plus ludique que le traitement habituel.” Le reporter a accompagné six jeunes migrants de la frontière turco-syrienne jusqu’en Europe.
Comme Antoine Maes, Nicolae Schiau entretient une conversation de proximité avec sa communauté, pourtant éloignée géographiquement. Mais dans une approche multiplateforme. Une manière de prendre en compte les attentes des utilisateurs : “Le projet doit s’adapter à l’audience et non l’audience au projet.”
Lors des entretiens du webjournalisme, @nicolaeschiau a raconté un exemple de réussite éditoriale : “Je faisais la file pour monter dans un bus direction l’Allemagne. Le gars derrière moi, un jeune Algérien, a vu que j’écrivais en français. Il est venu me parler et m’a expliqué que c’était lui le chauffeur du bateau qui avait permis la traversée. Il y avait une rumeur avant ça qui disait que les conducteurs de bateaux étaient algériens car ils savent mieux piloter que les Syriens. Mais personne n’avait pu vérifier. Et là, coup de bol ! J’ai demandé si je pouvais l”interviewer, il a accepté. J’ai mis mon micro sur mon smartphone. Après l’interview, j’ai envoyé le son sur Soundcloud et ai aussitôt prévenu ma rédaction sur WhatsApp pour leur dire de diffuser l’info tout de suite. On avait un témoignage exclusif.”
Voir aussi l’interview de Nicolae Schiau par Nicolas Becquet (@NicolasBecquet), manager des supports numériques de L’Echo et spécialiste du journalisme mobile : “Exils, en direct de la route des migrants”
5. Sur les routes de l’information avec Damien Van Achter
Connexion wifi sécurisé, prises électriques multiples, géotracking activable. Non, il ne s’agit pas du dernier modèle de berline BMW mais du van hyperconnecté de Damien Van Achter. Grâce à ce véhicule bleu nuit, le journaliste entrepreneur propose à des journalistes de monter à bord pour réaliser un roadtrip interactif et informatif. “L’idée, c’est d’aller sur le terrain, se placer au cœur de la place du village. On va sentir le pouls. On a la chance de vivre une expérience et ceux qui nous suivent la vivent par procuration.”
Concrètement, @davanac active les données de géolocalisation de son GSM. Le logiciel Backtrackr récupère ces mêmes données et dessine le parcours sur une carte, qui est ensuite enrichie par les contenus produits par les journalistes mobiles.
Plus d’infos sur le roadtrip interactif “Sur les routes des migrations en Belgique”.
Derrière ce projet, se cache aussi un but éthique. “Les opérateurs de télécommunications traquent nos GSM. Ce projet vise à se réapproprier nos données.”