L’Europe ne sait plus quoi faire pour contrôler le flux de migrants qui arrive sur son sol. La Grèce, par exemple, est submergée par le nombre important de réfugiés qui fuient leur pays. C’est pourquoi, le lundi 7 mars, un schéma d’accord a été négocié entre L’Union européenne et la Turquie dans le but de « stopper l’immigration illégale ». La Turquie accepterait donc de se faire renvoyer par la Grèce, tous les migrants en situation irrégulière, que ce soit les migrants économiques – c’est-à-dire qui ne peuvent prétendre à l’asile – ou encore les réfugiés syriens. Pour chaque migrant réintroduit en Turquie, L’UE se chargerait d’en accueillir un à son tour.
En vue de cet accord – qui sera d’ailleurs probablement entériné lors du sommet européen de ces 17 et 18 mars – L’Europe et le gouvernement turc se sont mis d’accord sur certaines contreparties politiques et financières :
- Libéralisation des visas (Les Turcs pourront profiter de l’espace Schengen).
- L’aide financière de l’UE à la Turquie doublée, elle passerait de 3 à 6 milliards d’euros.
- Accélération des négociations sur l’entrée de la Turquie dans L’Union européenne.
Un accord de la honte ?
Zeid Ra’Ad Al Hussein, haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, réagissait à propos de ces négociations dans Le Soir : « la manière dont cette proposition a été énoncée me semble clairement en désaccord avec les lois européennes ».
L’Europe garantit en effet, selon la Convention internationale de Genève, le droit d’asile à toute personne persécutée, menacée par la violence, la guerre, la misère et également la possibilité de trouver asile dans un autre pays. Il existe, en Europe, des critères que doivent remplir les États pour être considérés comme un « pays sûr ». Autrement dit, le pays d’accueil se doit être en mesure de recevoir effectivement les réfugiés dans de bonnes conditions. Or, la Turquie ne semble pas répondre à ces conditions : le pays est divisé par la guerre civile avec les Kurdes, les attentats se multiplient et les droits de l’Homme y sont fréquemment bafoués. L’Union européenne semble, aujourd’hui, ne plus respecter les valeurs fondamentales pourtant à la base de sa construction.
L’European Black Days, qui s’est déroulé à la veille du Sommet européen du 17 et 18 mars, tenait à dénoncer ce deal douteux avec la Turquie, qui déshonore l’Union européenne. Cette manifestation était organisée pour exprimer le refus de la société civile de cette vision de l’Europe, celle de la division, de l’égoïsme et de la perte d’espérance. Nous étions sur place, face à la Commission européenne pour récolter les témoignages à chaud des activistes. Pour mieux comprendre le fond du dossier, nous avons également rencontré Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. Il compare cet « échange » à « un marché de bétail » en violation avec les droits des réfugiés.
Au final, la peur de quoi ?
Les citoyens européens succomberaient-ils à un fantasme de « submersion » ? Le conflit syrien entre dans sa cinquième année et la communauté internationale peine toujours à instaurer un véritable cessez-le-feu. Pour l’année 2015, on recensait en tout et pour tout 1,2 million de migrants arrivés sur le sol européen. Ce qui ne représente que 0,3% de la population l’Union. Si l’on compare avec 2014, on observe une augmentation limitée de 20%. Les discours d’extrême droite, teintés de populisme, jouent un rôle dans ce fantasme de submersion. Peur de rien ou peur de tout, l’UE est plus que jamais à un tournant de son histoire.