Selon les chiffres de la Ministre régionale des Pouvoirs locaux, Valérie de Bue, 11,65% des Wallons ne se sont pas rendus aux urnes dimanche dernier. On remarque une légère baisse par rapport au scrutin de 2012 (12,2%). À Bruxelles, 100.789 personnes n’ont pas voté sur les 635.328 électeurs inscrits dans les 19 communes, un taux d’absentéisme également en diminution.
L’abstentionnisme a, lui, augmenté. À ne pas confondre avec l’absentéisme, cette notion désigne les votes non-valables, à savoir les votes blancs et nuls. Les premiers se réfèrent à un choix délibéré de l’électeur de ne pas opter pour une liste ou un candidat, les seconds à une erreur de remplissage qui invalide un bulletin. Toujours selon les chiffres du cabinet de la ministre, le taux d’abstentionnisme a atteint 7,59% en Wallonie, une augmentation par rapport à 2012. Le retour au vote papier de nombreuses communes de la Région expliquerait, en partie, cette hausse. Contrairement au vote électronique, ce format rend enregistre de nombreux votes nuls.
Le vote obligatoire rencontre actuellement de plus en plus de réticences. Plus d’un Belge sur trois n’irait d’ailleurs pas voter s’il n’y était pas obligé (Grand baromètre Le Soir – RTL Info – Ipsos). Un pan grandissant de la population questionne ce devoir citoyen. D’autant que les sanctions sont rares.
Vote obligatoire, pourquoi chez nous ?
Tous les citoyens du pays de plus de 18 ans disposant du droit de vote sont appelés à voter. En plus d’être un droit, c’est également un devoir depuis 1893. Si certains cantons suisses ont instauré cette obligation, la Belgique fut le premier État à légiférer en raison des taux élevés d’absentéisme observés les décennies précédentes. À cette époque, le vote était réservé à une minorité de privilégiés.
Les taux d’abstention records actuellement enregistrés dans différents pays remettent toutefois en cause le caractère obligatoire du vote. Lors du second tour de l’élection présidentielle française de 2017, une personne sur quatre ne s’est pas rendue aux urnes. Cela n’était plus arrivé depuis 1969.
“Pourquoi devrais-je donc mettre à mal des choses prévues ce jour-là pour uniquement désigner le candidat le plus original de ces élections ?”
Ce devoir électoral est également critiqué en Belgique. Ses détracteurs l’associent à une perte de liberté individuelle. Samy, 22 ans, partage cet avis. Cet étudiant habite désormais à 1h30 du domicile de ses parents et de la commune où il doit voter. Cette distance et son désintérêt pour la politique l’ont poussé à ne pas remplir son devoir citoyen. “J’estime qu’il y a eu un virage dans notre démocratie qui l’a rendue inefficace et platonique. À en lire les programmes électoraux des différents partis, je constate qu’ils disent quasiment tous la même chose, mais de façon différente. Pourquoi devrais-je donc mettre à mal des choses prévues ce jour-là pour uniquement désigner le candidat le plus original de ces élections ?” Il ne remet pas en doute la légitimité de l’obligation de vote, en théorie, “car en réalité, nous élisons plus des marionnettes que des vrais acteurs de la société…”
A contrario, Rudy, 54 ans, considère que le système de vote n’est pas une entrave aux libertés. “Il est tellement bien fait que tu es obligé de te rendre aux urnes mais tu n’es pas obligé de voter.” Il affirme que la démocratie est maintenue car une fois dans l’isoloir, le choix nous appartient. “Il faut garder cette obligation car elle conscientise les citoyens et les oblige à voter intelligemment.”
Quel risque en cas de désobéissance ?
Des sanctions peuvent être appliquées si vous ne remplissez pas votre devoir citoyen : un avertissement devant le Tribunal de police, une amende de 30 à 80 euros pour une première absence, qui peut grimper jusqu’à 200 euros en cas de récidive. Des mesures administratives peuvent également être prises si la personne concernée ne s’est pas rendue aux urnes quatre fois en quinze ans. Elle sera alors rayée des listes électorales pour dix ans et ne pourra recevoir ni nomination, ni promotion, ni distinction des autorités publiques. De nombreuses pénalités d’applications sont prévues mais rarement mises en place.
En effet, selon Régis Dandoy, politologue à l’ULB, le code électoral comprend toujours des mesures mais celles-ci ne sont plus appliquées depuis 2003. “Une circulaire de la ministre de l’Intérieur de l’époque (Annemie Turtelboom, NDLR) indiquait de ne plus poursuivre les électeurs qui ne votent pas. Seuls les assesseurs et présidents de bureaux restent sanctionnés. Si une décision politique confirme l’obligation de vote en Belgique, il doit y avoir des sanctions exemplaires, voire proportionnelles à la situation, à la gravité des élections, à la récidive…”.
Bon nombre de citoyens se rendent aux urnes par crainte d’éventuelles représailles. À l’image de Willy, cet ancien indépendant pour qui le vote n’a plus aucun sens aujourd’hui : “À quoi ça sert de voter ? Tout est manigancé. C’est une perte de temps pour nous.”
À 19 ans, Émile estime qu’il est primordial de maintenir ce devoir électoral, car “c’est plutôt les personnes des classes sociales plus élevées qui iraient voter si ce n’était plus une obligation alors que c’est le ‘bas peuple’ qui devrait avoir une plus grande représentativité”. Régis Dandoy abonde en ce sens, expliquant que ce devoir octroie surtout une légitimité plus importante aux candidats élus.