Le service fédéral de la Justice est endetté jusqu’au cou. Des efforts budgétaires s’imposent. Le secteur pénitentiaire serait le premier touché : on prévoit de fermer les prisons à 20h au lieu de 22h. Les conséquences seraient désastreuses, tant pour les agents que pour les détenus.
La Justice connaît actuellement de graves problèmes budgétaires. Koen Geens, ministre CD&V du département fédéral déplore le piteux état de son secteur. Les dettes de l’année 2014 sont reportées sur l’exercice 2015 et risquent de provoquer un effet boule de neige et s’additionner à la dette déjà existante. Il faut donc faire des économies. L’ancien ministre des Finances évoque des réductions de l’ordre de 20% tant dans le personnel que dans les frais de fonctionnement.
La première cible de ces mesures d’économie pourrait être le secteur pénitentiaire. Un projet est pour l’instant débattu en Commission Justice. Une mesure qui ferait grand bruit si elle était appliquée. L’idée serait de fermer les prisons à 20h au lieu de 22h actuellement. Conséquences directes : les détenus seraient privés de certaines activités prévues entre 19 et 21h (heure à laquelle ils doivent généralement rentrer dans leur cellule) comme les douches, les appels téléphoniques (moins chers après 19h), les permissions ou encore les rencontres avec les avocats ou la famille. « C’est encore à l’état de projet, ça reste à l’étude. Rien n’est encore décidé. Notre rôle d’administration des prisons est de soumettre des propositions à notre ministre. Rien n’est fait, calmons le jeu », rassure d’emblée Laurent Sempot, porte-parole de l’administration pénitentiaire.
Une organisation interne chamboulée
Les agents pénitentiaires sont eux-aussi très frileux par rapport à ce projet de fermeture à 20h. Les syndicats redoutent que cette mesure chamboule toute l’organisation interne des prisons : « Le secteur est déjà en manquede personnel. Les agents devraient effectuer le même travail en moins d’heures et tout concentrer dans le ‘planning-journée’ disponible », nous confie Michel Jacobs, secrétaire fédéral de la CGSP. « On est très inquiets et révoltés. A chaque fois, on nous dit qu’il ne s’agit que d’un projet et, au final, il aboutit. Et on nous impose toujours le plus mauvais ».
Réponse de l’administration : « Si le projet passe, l’idée de base n’est pas de supprimer les activités des détenus mais bien de les déplacer à un autre moment. Une heure avant par exemple ». Côté syndicats, la réaction de Michel Jacobs fuse : « Si c’était si facile, on l’aurait fait bien plus tôt ! Si un détenu prend sa douche une heure plus tôt, quand ira-t-il au préau ? ».
Michel Jacobs déplore qu’aucun investissement n’ait été consenti dans la Justice depuis plusieurs années. Il estime que, si de bonnes conditions de travail ne sont pas respectées, ce sont les détenus qui vont en pâtir : « Si nous n’accueillons pas un individu dans de bonnes conditions, dont un horaire décent, comment voulez-vous qu’on l’aide à se réinsérer ? ».
Laurent Sempot estime que les accusations envers le secteur pénitentiaire arrivent en retard : « nous avons multiplié les efforts ces dernières années. La situation a évolué, on a effectué des investissements dans les infrastructures et il serait temps de le reconnaître ». Selon le porte-parole, la population carcérale se stabilise, voire diminue, pour la première fois depuis 25 ans. Michel Jacobs le contredit : « Pour moi, elle n’a en aucun cas diminué ! On estime toujours à 11 300 les détenus pour 9500 places (Lien vers Article de l’évolution carcérale en Belgique – Hyperlien à ajouter)
Un accord en vue ?
Les négociations entre les membres de l’administration pénitentiaire et les syndicats se poursuivront la semaine prochaine.
Le 7 novembre dernier, les prisons étaient déjà en grève afin de dénoncer le peu de retours du gouvernement quant à la surpopulation carcérale et au manque d’infrastructures. La Justice est également dans le collimateur de la Cour européenne des droits de l’Homme. Elle a recommandé le 25 novembre dernier à la Belgique de tout faire pour améliorer les conditions dans ses prisons.