Ce 11 novembre, le film bruxellois Black, réalisé par Adil El Arbi et Bilall Fallah, est sorti en salles. Lors d’une interview, les réalisateurs ont fait part du manque de mixité dans les écoles de théâtre et de cinéma belges, ce qui les a poussés à aller chercher leurs acteurs dans les rues de Bruxelles. Selon eux, les écoles belges formeraient essentiellement des « blancs ». Comment expliquer ce manque de diversité ?
« La question ne s’est jamais posée dans notre établissement », déclare Serge Flamé, directeur de l’Institut des arts de diffusion (IAD). « L’école installe son stand dans les salons d’études à Namur et à Bruxelles et la promotion des cours se fait de manière indistincte, aucun public en particulier n’est visé ».
Selon le directeur, le souci est qu’il y a beaucoup d’étudiants qui se renseignent sur l’option théâtrale, mais très peu vont jusqu’à s’inscrire aux examens d’entrée. De ce fait, la mixité culturelle est effectivement très pauvre à la fin de la sélection.
Peu de vocations
A l’origine de ce manque de vocation, il y a sans doute de très nombreuses raisons. Mais l’une d’entre elles semble particulièrement alarmante : les caricatures et les amalgames ont du mal à se défaire des scénarios. Le comédien marocain a encore trop souvent le rôle du “voyou” ou du “comique”. Une couleur de peau pourrait également priver d’un premier rôle du simple fait qu’on ne verrait pas un Dom Juan d’origine africaine. Le cercle vicieux est là. Ces clichés ont tendance à décourager les comédiens plutôt qu’éveiller en eux des vocations.
« La seule explication pour moi, c’est qu’ils s’interdisent de le faire parce qu’ils se disent que ce n’est pas pour eux et qu’il n’y a pas de rôle pour les noirs ! C’est faux ! » C’est ainsi que réagit Consolate Sipérius, comédienne remarquée dans la pièce de théâtre Crever d’amour.
« Je l’ai senti comme une force »
Consolate est une jeune comédienne d’origine burundaise. Elle a fait le pari de commencer le théâtre à l’âge de huit ans. « C’était ma seule activité extra-scolaire. Je me sentais mieux sur une scène que dans mon quotidien », raconte-t-elle.
Sa couleur de peau a finalement été sa force, elle qui s’est toujours détachée des autres grâce à sa différence. « Je l’ai senti comme une force et comme un privilège. J’étais bien exposée et tout le monde se souvenait de moi. »
Pour elle, les réalisateurs de Black ont raison : les comédiens de couleur « se comptent sur une seule main » dans les écoles de théâtre belges. Durant ses quatre années d’études, elle est restée la seule comédienne noire du Conservatoire de Mons.
La provoc de Black
En plus de dénoncer le cruel manque de diversité de la scène belge, le commentaire des deux réalisateurs de Black s’inscrirait dans la lignée du film. C’est ce qu’indique Sergio, étudiant à l’IAD : « Moi, je le ressens comme un coup de provoc. Même s’il y avait eu assez de maghrébins et d’africains dans les écoles, ils ne les auraient pas pris non plus parce que ce n’est pas ce qu’ils recherchent pour leur film. Ils visent d’autres atouts artistiques… Ils ont besoin d’un certain réel que tu trouves chez les gens et pas chez les comédiens. »
Bien joué Mlle Vbb! 🙂