Décrypter la consommation médiatique des populations issues de l’immigration maghrébine en France, c’est l’objet d’une étude menée par Elyamine Settoul (titulaire d’un doctorat de sociologie politique obtenu à Sciences-Po Paris), Tristan Mattelart (professeur en communication internationale à l’université Paris 8) et Karima Aoudia (professeur en communication interculturelle à l’université de Québec-Montréal).
De passage à l’IHECS, Elyamine Settoul a expliqué la méthologie de cette étude au cours de laquelle une cinquantaine d’interviews ont été menées auprès de Franco-Maghrébins de profils sociaux différents et âgés de 16 à 74 ans. Ces entretiens ont été réalisés entre 2011 et 2012 dans la banlieue sud de Paris ainsi qu’à Saint-Jean-de-Soudain (ville semi-rurale située dans le département de l’Isère, en région Rhônes-Alpes).
Les conclusions des chercheurs mettent en exergue une véritable rupture entre le comportement des jeunes et ceux de leurs aînés en termes de consommation médiatique. Les personnes plus âgées attestent d’une consommation médiatique particulière. En effet, la nostalgie les pousse à plébisciter les chaînes de télévision et de radio maghrébines, sans préférence pour une nation en particulier.
Cette volonté de garder le lien avec ses origines n’est pas partagée par les jeunes générations, à l’exception de la période du Ramadan, moment privilégié de communion intergénérationnelle.
“Al-Jazeera ne forme pas d’unité transnationale arabe”
De leur côté, les jeunes générations issues de l’immigration maghrébine considèrent ce pan du paysage médiatique comme des « chaînes de blédards », indignes d’eux et de leur volonté d’intégration au monde occidental. Al-Jazeera subit, elle aussi, l’œil critique des jeunes générations maghrébines, ne la considérant pas comme le lien symbolique entre les membres de la diaspora d’origine maghrébine, ou plus largement arabe, mais comme une simple source d’informations parmi d’autres.
L’étude témoigne aussi de la mauvaise opinion des jeunes issus de l’immigration maghrébine envers TF1 qui, selon eux, ne reflète par la réalité de leur situation et colporte nombre de clichés à leur sujet.
En conclusion, une déconnexion s’opère entre les jeunes issus de l’immigration maghrébine et les médias issus de cette partie du globe, tandis qu’on assiste à une homogénéisation du comportement médiatique des jeunes en général, recherchant de plus en plus l’information sur internet et sur les chaînes françaises dominantes (TF1, France 2, etc.).