6 h 45, le pare brise est blanc de givre. Valérie s’arrête à Auvelais pour rendre visite à son premier patient. « C’est juste un pansement », dit-elle, avant de courir jusqu’à la porte sous la neige.
Valérie est infirmière à domicile et refait chaque jour la même tournée sur Spy, Ham-sur-Sambre, Auvelais et Jemeppe-sur-Sambre. Elle connaît ses patients qui sont pour la plupart des personnes âgées incapables de se déplacer ou refusant d’aller s’installer en maison de repos. « C’est souvent pour des pansements, des toilettes ou
des piqûres. Mme X., ici, doit renouveler ses pansements d’ulcères tous les matins. Le suivant, Mr R., a récemment fait un AVC et une colostomie, je dois donc lui changer sa poche au colon tous les jours. »
Mme Janine est une des patientes habituées de Valérie. Quand l’infirmière pousse la porte d’entrée, elle est chaleureusement accueillie. Elles échangent ensemble des banalités, comme de vieilles amies, alors que Mme Janine tend le bras pour que la soignante lui administre sa piqûre quotidienne. Lorsque Valérie mentionne qu’une autre infirmière va prendre sa place dans quelques mois, Mme Janine ravale ses larmes.
L’exil infirmier
En effet, Valérie, comme beaucoup d’autres infirmières belges, va dans quelques mois partir pour la France. Les salaires y sont plus intéressants, même en tant que salariée. « Mon mari et moi sommes déjà partis en France dans le passé pour y travailler. Nous y sommes restés quelques années et puis nous avons été forcés de rentrer en Belgique pour des raisons familiales. La vie là-bas était plus facile, nous ne faisions pas attention à nos dépenses comme nous sommes forcés de le faire ici. »
Le mari de Valérie est kinésithérapeute et travaille actuellement à la frontière française en tant que salarié. En Belgique, les hôpitaux n’engagent plus de salariés et préfèrent faire appel à des kinésithérapeutes indépendants. « Il fait la route tous les jours pour un meilleur salaire. Ça le fatigue et je le comprends. Nous avons hâte de retourner sur la Côte d’Azur. »
Des mini-salaires et un métier peu récompensé
Si Valérie est aujourd’hui infirmière à domicile en mi-temps, c’est parce qu’avec trois enfants à charge, son salaire de salariée ne suffisait plus. En trois-quarts temps, Valérie touchait 1.650 euros net par mois. En France, elle gagnera 1.900 euros net par mois pour les mêmes heures. Notons qu’en Belgique, les heures supplémentaires ne sont pas payées mais sont comptées comme « récup » et donc comme jours de congés, des fois jugés comme « forcés » lorsque l’on a besoin de travailler.
Et encore, le salaire belge de Valérie est à nuancer : elle gagne 1.650 euros net par mois parce qu’elle a des enfants à charge. Une infirmière en temps plein cette fois, sans enfants, ne gagnerait pas plus de 1.700 euros par mois.
Valérie, avec son activité à domicile, réussit à travailler sept jours de plus par mois pour 1000 euros net ajoutés à son salaire. Ces revenus paraissent souvent injustes aux yeux de beaucoup d’infirmières. Les horaires sont fatiguants et très irréguliers, la charge de travail est difficile et il ne faut pas reculer devant l’être humain dans son état le plus simple et parfois le plus dégoûtant. La Belgique n’est en définitive pas le pays le plus attirant pour les infirmières, lorsque son voisin français les considère un peu mieux au niveau financier. En outre, les infirmières sont formées en Belgique parce qu’il n’y est pas nécessaire de passer un concours d’entrée. Elles s’enfuient ensuite vers la France pour vivre des jours plus sereins.
Article de qualité, simple et bien tourné
C’est avec beaucoup d’enthousiasme que je vous suis
Une rencontre (matinale). Les faits. Une mise en perspective. Très bien!