30
Jan
2019

Rachid n'existe plus sur Internet. Depuis trois ans, il s'évertue à supprimer son identité numérique et à ne laisser aucune trace sur le Net en usant d'alternatives aux GAFAM.

Rachid n'existe plus sur Internet. Depuis trois ans, il s'évertue à supprimer son identité numérique et à ne laisser aucune trace sur le Net en usant d'alternatives aux GAFAM.

30 Jan
2019

L’homme qui se cachait des géants du web

Rachid est un animateur multimédia du centre informatique Brusurf et un touche-à-tout en informatique. Mais il est surtout passionné par la question des datas. A cause de quelques embrouilles sur Facebook, il a fait de la lutte contre les données personnelles emmagasinées sur le Net un combat personnel.

Pourtant précautionneux avec son identité numérique, Rachid s’est vu harceler par un tiers ayant eu accès à certaines informations et publications. Bouleversé, il s’est demandé comment cette personne avait pu le retrouver. Cette histoire s’est révélée être un déclic: Rachid a décidé de faire table rase de son ‘moi numérique’, « l’unique moyen d’être à nouveau à l’aise sur Internet ».

« Ça m’a pris trois ans pour me supprimer. Désormais, je n’existe plus sur internet. »

« J’ai effacé toutes mes traces de tous les sites, tous mes comptes », raconte-t-il, soulagé. Toutefois, Rachid continue à utiliser Internet, ce « merveilleux outil ». Pour passer inaperçu auprès des géants du web GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), il a plus d’un tour dans son sac. Pour chaque service, il trouve des alternatives. Au lieu d’avoir une boite mail Gmail ou Hotmail, il gère ses mails par “Protonmail”, une boite mail cryptée. Au lieu de visionner des vidéos sur YouTube, il consulte Piretube. Au lieu d’effectuer ses recherches sur Google, il utilise “DuckDuckGo”. Dans la majorité des cas, il recourt à des programmes dits “opensource”.

Il ajoute aussi toutes sortes d’extensions à son navigateur pour bloquer le tracking ou pour éviter les cookies et les sites non sécurisés. « Ça, c’est mon blindage personnel. J’ai ‘Adblock’, ‘Ublock’, ‘Ublock Origins’, ‘Ghostery’, ‘Https everywhere’. J’en ai un qui s’appelle ‘Track me not’, un autre ‘No script’. », se félicite l’animateur qui utilise un pseudo pour tout enregistrement de données. Eviter de laisser des données est désormais un réflexe pour Rachid qui concède que la pratique requiert beaucoup d’informations et de temps.

Éduquer sur fond d’anxiété

Alors que la démarche originelle était purement personnelle et qu’il a entrepris ces démarches pour mieux gérer son image sur internet, se refusant à convertir le monde au « tout sans data », Rachid se voit proposer d’animer une séance d’information sur les données personnelles à destination d’adultes dans le cadre de la semaine du numérique.

Chez Brusurf, l’animateur pose les bases de la réflexion: «Qu’est-ce qu’une donnée personnelle ? Quels sont les traitements possibles ? Quels sont les enjeux ? ». Son discours distille conseils et astuces à des participants avides d’informations pratico-pratiques qui semblent partager l’anxiété de leur interlocuteur, parfois alarmiste. « Ils peuvent même vous espionner grâce aux cookies », lance Rachid à son public avant de comparer les applications à des « crasses ».

« Vous cliquez sur un article de journal, voilà, c’est fait. Votre identité numérique connait votre opinion politique. »

Malgré ses inquiétudes et une méthodologie qui flirte avec l’anxiété, Rachid insiste sur le fait que son but premier est d’informer les gens pour leur offrir la liberté de déterminer la meilleure attitude à adopter. Pour aider ceux qui désireraient lui emboîter le pas et disparaître du Net, il ambitionne de créer un guide pratique qui vise à s’émanciper des géants du web.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un échange entre le BBB et le Master Éducation aux Médias de l’IHECS. L’Éducation aux Médias est un enjeu éducatif et sociétal majeur porté par une variété d’acteurs : artistes, animateurs, éducateurs, enseignants, militants… Tous développent des projets, des ateliers ou des outils pédagogiques afin de questionner les pratiques médiatiques de leurs publics et développer leur sens critique. Les étudiants du Master en Éducation aux Médias sont allés à leur rencontre et vous livrent leur expérience dans cette série d’articles.

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