J’avais prévu un autre édito, sur l’appropriation culturelle. Mais face à l’atrocité de l’actualité, face à ces appels au secours venus d’Alep, je n’avais pas le cœur à vous parler d’autre chose. Je me sens obligée d’en parler, en tant que journaliste, que jeune, qu’être humain.
Mercredi 14 décembre, la twittosphère a arrêté de parler de Kanye West qui devient fou, de Macron qui devient fou aussi. Non, mercredi c’était juste la fin du monde. Des jeunes de mon âge qui un jour ont été étudiants comme moi, des parents, des enfants, ont envoyé des messages d’adieu au monde comme autant de bouteilles perdues dans l’océan numérique.
La fin de l’espoir
Il y avait aussi des combattants, des activistes, des opposants au pouvoir – les vrais, pas ceux qui ont profité du chaos -, qui ont été étiquetés comme rebelles, qui choisissent la mort plutôt que la reddition, la mort plutôt que la torture, résignés face à leurs destins scellés par Al Assad et Poutine. Eux qui un jour ont cru que le peuple avait le pouvoir de changer les choses, qu’une démocratie était possible en Syrie, se sont résolus à leur fin.
Face à la barbarie des images, au désespoir de ce peuple, à l’inertie de la communauté internationale aussi, je me suis sentie impuissante et inutile. Et puis, en lisant le tweet « Racontez juste notre histoire au monde entier », j’ai réalisé que nous avions tous un rôle à jouer face au massacre qui se déroule sous nos yeux : élever nos voix, leurs voix. Aujourd’hui, Alep n’est plus qu’à un tweet de nous, l’info se propage à la vitesse de la lumière. L’info crue, brute, directe. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
Last message – under heavy bombardments now, can’t be alive anymore. When we die, keep talking for 200,000 still inside. BYE.- Fatemah
— Bana Alabed (@AlabedBana) 27 novembre 2016
Nous avons le choix
Nous avons donc le choix de ne pas céder à la passivité, de ne pas s’habituer à l’ignominie, de ne tolérer aucune forme de terrorisme, même étatique. Nous avons aussi le choix de ne pas élire des candidats qui soutiennent ce régime, d’allier nos voix pour faire pression sur une partie de la classe politique qui a consenti à ce massacre par ses actions mais aussi son inaction. Nous avons le choix d’accueillir chez nous les victimes qui fuient cette folie humaine. Mais nous avons surtout le choix de ne pas céder à la spirale infernale de haine, de populisme et de violence dans laquelle nous sommes engagés, et à croire encore à la valeur des droits de l’Homme. La tâche est ardue mais essentielle. Aujourd’hui plus que jamais, les mots de Stéphane Hessel doivent résonner : Indignez-vous !