Libé. L’un des grands quotidiens de France. En passant les portes des bureaux du IXe arrondissement à Paris, on s’attend à trouver un bouillonnement. Nous imaginions des débats houleux entre journalistes défendant leurs sujets bec et ongles face à des rédacteurs en chef intransigeants. Stress, débats enflammés et coups d’éclat.
En réalité, c’est à une réunion de rédaction totalement calme que nous assistons. Nous sommes interloqués par le côté solennel de ce qu’ils nomment « le comité de rédaction ». Les esprits s’échauffent peut-être plus au sein des différents services ou une fois la pause de midi passée ?
En visite @libe pour la réunion de rédaction avec le @bxlbondyblog pic.twitter.com/Y4yAjeGE2n
— Kamille De (@Kamkamde) 12 avril 2016
Journal papier deviendra trophée
Les hommes et les femmes autour de la table sont, avouons-le, largement grisonnants. Cependant en faisant le tour des locaux, nous remarquons la présence de nombreux journalistes dynamiques, affairés à traiter l’actualité. Le journal de gauche, perçu parfois un peu vieux jeu dans sa version papier, recèle en réalité de jeunes, prêts à perpétuer l’âme de cette institution.
Gurvan Kristanadjaja travaille au service Six Plus. Il ne perd pas espoir pour le quotidien papier, tout en envisageant le tournant numérique que doit opérer Libération. D’après lui, les gens achètent Libération pour son parti pris. Ce n’est pas un quotidien classique. Il apporte, en plus de l’actualité, un point de vue. Et c’est ce que leur lectorat cherche. « Le papier se vendra toujours lors d’événements très marquants car c’est une sorte d’objet que l’on aime posséder et garder. Pour le web, la question se pose. »
La patte «Libé» mise au défi par le numérique
Le grand défi aujourd’hui, c’est de conserver les caractéristiques qui ont forgé le journal, son ancrage à gauche et son attention au graphisme, tout en l’appliquant aux nouveaux supports de l’information. Il s’agit aussi de séduire un nouveau public : les enfants de leurs fidèles lecteurs papier.
Gurvan contraste avec le discours un peu défaitiste du journaliste Philippe Douroux, notre guide dans les couloirs de Libé. Il nous donne l’image d’un journalisme résigné à perdre des lecteurs et inquiet face au tournant numérique. « On est largués pour certains sujets. » Selon lui, le manque d’effectifs et de moyens impacte fortement le quotidien papier, qui reste pour autant un élément fort dans le paysage médiatique français.
Le choix de Une publiée ce 12 avril est la preuve que l’aura du journal mythique reste totalement justifiée. Fort de leur instinct journalistique, les rédacteurs ont fait le choix éditorial de publier en première page un sujet sur les femmes rescapées de Boko Haram. « Elle ne fait pas vendre, mais elle est magnifique cette Une », déclare Philippe.
Tant que le journal gardera cet esprit journalistique, Libération n’est pas prêt d’être enterré selon Gurvan: « On fait encore rêver, au moins certains. » Des centaines de journalistes espèrent intégrer la prestigieuse rédaction. Tant que la dynamique sera là, le jeune journaliste espère que Libé, avec son caractère bien trempé, saura se réinventer, que ce soit sur le numérique ou sur le papier.