Chaque année, près de 494 000 personnes meurent prématurément dans l’Union européenne à cause de la pollution de l’air. Un chiffre qui risque de croître suite à la récente décision de la Commission européenne d’augmenter le taux acceptable d’émission d’oxyde d’azote (NOᵪ) des moteurs diesel. Une mesure qui a été prise, en pleine scandale VW, par un comité d’experts nationaux sans l’accord du Parlement européen. Ce sont ces faits qui justifient la question de la semaine posée dans notre rubrique “L’Europe en question(s)” :
“La mesure prise par les Etats membres légitime une tricherie de la part des constructeurs automobiles. Que fait la communauté européenne pour la santé de ses citoyens ? » Aurélie Willems, porte-parole du Gracq (Groupe de recherche et d’action des cyclistes quotidiens)
Pour répondre à la question d’Aurélie Willems, nous avons mené l’enquête. Il apparaît que l’Europe prend actuellement une série de mesures néfastes pour la santé des citoyens. Explications.
En juillet dernier, la Commission européenne avait préparé un projet de nouvelles directives sur la qualité de l’air. Le but était de revoir le taux actuel d’émission de NOᵪ de 80mg/km à la baisse. Le scandale de l’affaire Volkswagen semble évincer cette mesure. L’expert belge présent aux réunions tenues secrètes nous informe que de nouveaux tests de pollution vont tout de même être mis en place.
Actuellement, seuls des contrôles effectués en laboratoire rendent compte des émissions d’oxyde d’azote. La nouvelle mesure prévoit des contrôles en conditions réelles dès 2016. Le problème est que, en conditions réelles, on tolère jusqu’à 110% d’émissions polluantes en plus que dans le cas des tests en laboratoire. Si les contrôles toléraient 80mg/km d’émission de NOᵪ en intérieur, ils vont autoriser 165mg/km en extérieur pour septembre 2017. Ce taux d’émission sera descendu à 120mg/km en 2020.
Comitologie : les décisions de l’ombre
Le Parlement européen n’a pas eu voix au chapitre dans cette affaire. C’est la « comitologie » qui est en cause. Ce système est peu connu du grand public, pourtant 90% des actes juridiques contraignants au niveau européen transitent par ce procédé. La Commission européenne court‑circuite ainsi le Parlement et passe par un groupe d’experts nationaux désignés par les gouvernements, qui représente les 28 États membres et la Commission elle-même. Ces experts figurent sur des listes cachées et se réunissent en huit-clos. Certains d’entre eux travaillent comme lobbyistes pour des entreprises automobiles. Après la prise de décision par les experts nationaux, le Parlement européen a cependant la possibilité, endéans les trois mois, d’introduire une demande de blocage.
Plus précisément, les Pays-Bas ont laissé filtrer l’information. Leur expert national s’est abstenu lors du vote jugeant la règle insuffisamment contraignante. La République tchèque est le seul État à avoir voté contre la mesure par le biais de son expert, estimant la nouvelle norme trop exigeante pour son industrie automobile. Les autres États membres, dont la Belgique, ont tous marqué leur accord « sous la pression de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni » selon l’eurodéputé Vert, Yannick Jadot, s’exprimant dans le journal Le Monde du 29 octobre dernier.
Les citoyens sont directement touchés par cette mesure. Autant cyclistes et piétons qu’automobilistes respirent chaque jour 0.20 gr de pollution émise par les voitures. À deux semaines de la COP 21, il est temps de se rendre compte que le secteur des transports est le seul depuis 1990 qui n’a pas réduit ses gaz à effet de serre. Il les a, au contraire, augmentés de 30%. Une mesure qui donne aux lobbys automobiles de véritables permis de polluer.