Claude vivait seul dans un logement social à Uccle. Décédé il y a peu, il payait 450€ par mois pour un modeste trois pièces, rongé par l’humidité. Au mur, une peinture défraîchie. Dans le salon, des fils électriques dénudés et un chauffage au gaz d’où provenait régulièrement une légère explosion. Celui-ci a finalement été démonté. Il a été remplacé par un chauffage d’appoint qui ne permet pas de chauffer la surface totale en plein hiver.
« Chez moi, pas de salle de bain, mais beaucoup d’humidité »
Le cas de Claude n’est pas isolé. De plus en plus de logements sociaux sont déclarés en état d’insalubrité. Un rapport de l’Observatoire des loyers (PDF) soulève cette tendance négative. Basée sur les critères de salubrité établis en 2004 dans le code du logement (PDF), cette étude a permis d’évaluer le niveau de confort des logements sociaux loués.
Pourcentage de logements touchés par l’insalubrité sur la totalité du parc immobilier social
L’insalubrité : un problème difficile à résoudre
« Les normes ne sont pas les mêmes, voilà comment les bailleurs peuvent parfois se défendre », lance José Garcia, secrétaire général au syndicat des locataires. Si un bâtiment construit en 1950 prend feu à cause d’un circuit électrique défectueux, l’état de salubrité du bâtiment ne sera pas mis en cause car il est conforme aux normes de l’époque. Bien que ces normes aient changé depuis. Selon Pol Zimmer, directeur des études à la SLRB (Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale), l’âge moyen du parc immobilier social en région de Bruxelles-Capitale est de 53 ans. Bon nombre de logements sont donc encore considérés, légalement, comme étant aux normes.
Un autre problème est la question du relogement. Le locataire qui introduit une plainte contre de graves défauts dans son logement court le risque d’être mis lui-même à la porte. Cela peut arriver si le propriétaire veut entreprendre des travaux, ou si le Service d’inspection régionale a signifié une interdiction de mise en location. C’est pourquoi, même une organisation sociale s’occupant de locataires, réfléchira à deux fois avant de déposer plainte, quitte à laisser le locataire dans un logement en état d’insalubrité.
José Garcia, souligne également un déficit budgétaire. À ce jour, 300 millions d’euros sont accordés au secteur du logement social par la Région de Bruxelles-Capitale. Mais même si ce budget a considérablement évolué en 25 ans, ce n’est pas suffisant pour José Garcia : « Il faudrait au moins le double pour rénover la totalité des logements insalubres à Bruxelles ! »
Selon Pol Zimmer, les 10% consacrés aux aides aux services sociaux, reprennent les aides fournies aux SISP (les Sociétés immobilières de service public) pour compenser les faibles loyers reçus par les locataires, ou encore les aides au relogement de ces derniers.
Près de 3.000 logements vides à Bruxelles
Plus de deux mois après le décès de Claude, le logement reste vide car en attente de rénovation. Selon les propos du syndicat des locataires confirmés par une étude statistique de la SLRB, le problème concerne près de 3.000 logements sur les 39.000 que compte le parc social bruxellois.
Cependant, la SLRB apporte quelques précisions en réponse aux déclarations du syndicat des locataires. « Sur les 3.000 logements vides recensés en Région de Bruxelles-Capitale, 800 logements sont en attente de rénovation superficielle (peintures par exemple) et seront rénovés dans les deux ou trois mois suivant le départ des locataires. Ils ne resteront pas vides éternellement. » La problématique concerne donc les 2.200 autres logements qui ont besoin d’une rénovation plus profonde mais qui ne semblent pas compris dans un programme de rénovation.
Alors, pourquoi ne pas attribuer le budget nécessaire à la rénovation totale du parc social, tel que le voudrait le syndicat des locataires ? La SLRB accepte l’idée que les moyens financiers accordés à la rénovation ne sont pas suffisants mais dénonce une certaine incapacité du secteur social à absorber le budget accordé. « Le plan de rénovation 2004-2008 n’est toujours pas terminé. Or ,le budget attribué à l’époque était suffisant. Difficile donc d’accorder 600 millions d’euros au secteur du logement social quand on voit la lenteur de certains projets de rénovation », affirme Pol Zimmer.
Plus de contrôle sur les normes
Pour le Rassemblement bruxellois pour le Droit à l’habitat (RBDH), une politique d’amélioration de la qualité des logements doit être accompagnée d’une politique de relogement des habitants. Il faut également se préoccuper du fait que les logements soient rénovés et remis sur le marché à des prix accessibles. En d’autres mots : éviter que l’amélioration de la qualité aille de pair avec l’éviction sociale.
Pour cette raison, le RBDH met l’accent sur certaines mesures devant être établies. Par exemple, l’établissement d’une attestation de conformité pour tous les logements, ou un meilleur accès à la justice pour les locataires vivant dans un logement insalubre. Une autre mesure serait la garantie de relogement dans le cas ou le locataire doit quitter son logement à la suite d’une interdiction à la location. L’établissement d’un parc suffisant de logements d’urgence permettrait de loger des locataires pendant une courte période en cas d’urgence ou d’expulsion par exemple.
La SLRB, de son côté, admet qu’il faudrait un renforcement du contrôle des normes d’insalubrité au sein des logements sociaux et souhaite qu’une partie du parc privé locatif soit accessible au secteur public. Cela soulagerait le secteur social qui ne sait plus répondre à la demande. Selon le Baromètre social 2015 de l’Observatoire de la santé et du social de Bruxelles, le temps d’attente moyen pour accéder à un logement social est de 10 à 12 ans.