Le Luxembourg est accusé d’encourager l’évasion fiscale en permettant à 340 multinationales de minimiser leurs impôts par des accords fiscaux secrets. Les révélations Luxembourg leaks ont fait réagir vivement de nombreux pays. Pourtant le Grand-Duché n’est pas le seul à mettre en place cette forme de mécanismes. La Belgique, avec ses intérêts notionnels, n’est-elle pas aussi un paradis fiscal ? Pour y voir plus clair sur les intérêts notionnels et l’ingénierie fiscale luxembourgeoise, un reportage radio et trois zooms en guise d’éclairage.
ZOOM
Les intérêts notionnels, c’est quoi ?
Aussi appelé « déduction pour capital à risque », les intérêts notionnels ont été mis en place en janvier 2006, par Didier Reynders lorsqu’il était ministre des Finances. Le régime des intérêts notionnels a pour but de mettre sur un pied d’égalité les entreprises qui empruntent pour financer leurs investissements et celles qui investissent à fonds propres. Pourquoi ? Car les entreprises qui empruntent aux banques doivent évidemment les rembourser à un certain taux d’intérêt. Ces intérêts peuvent ensuite être déduits de la base imposable des entreprises (ce qui signifie que leurs impôts diminuent). Certaines entreprises se sont plaintes de cet avantage. Avec les intérêts notionnels, les entreprises, qui investissent du capital sans emprunter, peuvent déduire un intérêt fictif de leurs bénéfices taxables, comme si elles avaient des intérêts à rembourser.
Les entreprises concernées
Toutes les sociétés soumises à l’impôt belge de société sont concernées par cette mesure, y compris les entreprises étrangères possédant des biens immobiliers situés en Belgique ou des droits de propriété.
Un avantage fiscal pour les multinationales
Auparavant, les entreprises étaient encouragées à emprunter afin de bénéficier de ces déductions fiscales, ce qui n’est plus le cas actuellement. Les intérêts notionnels encouragent dès lors les multinationales à venir s’installer en Belgique afin de profiter de cet avantage fiscal. Les défenseurs des intérêts notionnels affirment que cela pourrait créer de l’emploi. Mais les détracteurs de cette mesure objectent qu’aucune étude n’a pu le démontrer clairement jusqu’à maintenant. Plus fondamentalement, ces opposants contestent les objectifs des intérêts notionnels, car ils peuvent donner lieu à des abus et profitent surtout aux grandes entreprises.
Quelques chiffres
Un exemple concret : entre 2008 et 2011, ArcelorMittal a pu déduire 5,6 milliards d’euros, alors que le groupe avait dégagé 5,8 milliards de bénéfices. Arcelor n’a donc pratiquement pas payé d’impôt chez nous, rapporte le journal Le Soir.
De plus, le SPF Finances, a indiqué, dans un rapport datant de 2012, que la déduction pour les intérêts notionnels a représenté un « manque à gagner » de 6,16 milliards d’euros à l’Etat belge.
Permettre légalement aux entreprises d’éviter ou de réduire l’imposition, ne constitue pas une injustice, quand, en cette période de crise budgétaire, le gouvernement veut réduire les dépenses de 11 milliards d’euros d’ici 2018, en réalisant notamment des économies de 5,34 milliards en matière de sécurité sociale dont 2,87 milliards en soins de santé et 2,06 milliards en “autres mesures” (soit le chômage, les pensions ou l’invalidité). (M.J)