L’Affaire LuxLeaks
L’affaire Lux Leaks, a fait grand bruit. Plus de 340 entreprises internationales dont Pepsi, Ikea, Apple, ont signé des accords secrets avec le Luxembourg, permettant l’évasion fiscale.
C’est ce que le ICIJ, le Consortium International des Journalistes d’Investigation, a révélé mercredi 5 novembre. Chez nous, 26 familles et entreprises nationales, comme la Famille Spoelberg (AB Inbev), Belgacom ou le Groupe Bruxelles Lambert d’Albert Frère, ont signé 37 de ces accords secrets avec le Luxembourg. Une information relayée mercredi 12 novembre par plusieurs médias belges.
L’enquête de l’ICIJ, baptisée Lux Leaks ou Luxembourg Leaks, a pris plus de six mois. Elle a été réalisée par 78 journalistes dans 26 pays à travers le monde. Les enquêteurs se sont basés sur plus de 28.000 pages de documents confidentiels. Ces accords, passés au Luxembourg, entre 2002 et 2010, représentent des milliards d’euros de recettes fiscales perdues pour les Etats où ces entreprises réalisent des bénéfices.
Ces accords profitent notamment de la perméabilité des lois luxembourgeoises et des lacunes du droit international. Xavier Bettel, actuel premier ministre luxembourgeois, se défend en soulignant que ces accords sont « conformes aux lois internationales ». Côté belge, le premier ministre Charles Michel a condamné ces pratiques fiscales douteuses. Ecolo, pour sa part, souhaite « un juste paiement de l’impôt dû ». Une demande d’harmonisation fiscale au niveau européen a été plaidée par plusieurs partis, dont le PS et le CDH.
ZOOM
Les braconniers font-ils les meilleurs gardes-champêtres ?
A peine installé comme président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, hérite déjà d’une casserole politique. Il était, en effet, premier ministre du Luxembourg à l’époque où les accords du LuxLeaks ont été passés. Issu du Parti Populaire social-chrétien, Juncker était auparavant Ministre des Finances pendant dix ans. Il a également présidé l’Eurogroupe, l’organisme assurant une coordination des politiques économiques entre les pays de la zone euro.
D’où cette interrogation : le président a-t-il toujours sa place à la tête de la Commission, dont la fonction est de représenter les intérêts de l’Union dans son ensemble, et non les intérêts particuliers des pays membres ?
Du côté socialiste, au Parlement européen, aucune indulgence ne sera accordée. Ainsi, le porte-parole du député Marc Tarabella nous a déclaré : « Durant la composition de sa Commission, Juncker a placé les candidats aux endroits les plus toxiques pour eux -un spéculateur-Hill- à la régulation des marchés, un magnat du pétrole au climat & énergie – en argumentant, en gros, que les braconniers font les meilleurs gardes-champêtres.
Dès lors, appliquons ce raisonnement à son auteur : qui mieux que Juncker, ancien premier ministre d’un paradis fiscal, pour mettre en place une vraie harmonisation fiscale ». L’adjoint du socialiste Tarabella poursuit : « Nous exigeons que soit mis en place une harmonisation fiscale ; chaque État membre doit proposer la même fiscalité pour les entreprises afin d’éviter le dumping fiscal ».
Juncker lui, se défend en prétendant ne pas être l’architecte de ces accords, mais il admet cependant être « politiquement responsable ». Il a également assuré être « plein d’ardeur à lutter contre l’évasion fiscale » et il a lancé lors d’une conférence de presse le 12 novembre : « Ne me décrivez pas comme le meilleur ami du grand capital, le grand capital a de plus grands amis dans cette maison ». Des déclarations bienvenues après un long silence du président. Maintenant, ces paroles doivent se vérifier dans les actes. (S.C.)