Les Belgo-Marocains sont victimes de la catégorisation sociale. Analyse du phénomène avec le sociologue, Jean-François Raskin.
Les Belgo-Marocains sont victimes de la catégorisation sociale. Analyse du phénomène avec le sociologue, Jean-François Raskin.
Depuis plusieurs générations, des communautés étrangères s’installent en Belgique. Le temps passe mais le débat sur l’identité reste au cœur des débats malgré l’ouverture d’esprit de la nouvelle génération. Pourquoi notre société continue-t-elle avec les mêmes discours si les mentalités changent ?
Le Portugais est né avec un sac de plâtre dans les mains. L’Africain ne sait pas conduire. Le musulman est un terroriste. Stop aux clichés ! Le mécanisme de la catégorisation sociale existe depuis longtemps. Selon Jean-François Raskin, professeur de sociologie à l’IHECS, l’Homme a toujours placé ses condisciples de vie dans des « cases » en fonction de leur physique, de leur caractère, de leur origine,… et ce, peu importe sa culture sociale et/ou religieuse. Nous avons une certaine peur de « l’autre » et de ses différences ; l’être humain a tendance à repousser la complexité. Pour y pallier et décomplexifier le monde qui nous entoure, notre cerveau a une volonté de réduire cet « autre » à sa plus simple expression. Un argument développé dans une étude réalisée par Tajfel et Wilkes. Cela se confirme dans notre premier jugement qui s’établit principalement sur le physique d’une personne. Ainsi, des clichés ont fait leur apparition.
Un phénomène qui se répète
La communauté arabe n’est pas la première à s’installer dans notre plat pays. Historiquement, la Belgique est une terre d’accueil. Suite à la Seconde Guerre mondiale, les Belges ont notamment relancé leur économie grâce aux mines et à la main d’œuvre italienne.
Jean-François Raskin raconte cependant que, lorsque les Italiens de la première génération sont arrivés en Belgique, la plupart des Belges les appelaient les “Macaronis”. « On les a très vite réduits à leur culture culinaire. On n’avait pas du tout l’habitude de manger des pâtes alors qu’aujourd’hui, cela fait partie de notre quotidien et on a l’impression qu’on en a toujours mangé en Belgique. C’est devenu un plat normal mais il a fallu du temps. Personne, aujourd’hui, aurait l’idée de traiter un enfant de la troisième ou de la quatrième génération italienne de “macaroni“. Ça n’aurait pas de sens ! » explique-t-il.
Dans l’histoire du monde, les différents peuples se sont donc toujours caricaturés les uns les autres afin de se comprendre mutuellement. L’humanité fonctionne de cette manière mais les propos envers certaines cultures peuvent s’avérer plus durs et blessants que pour d’autres. Simplifier intellectuellement les choses en catégorisant complique l’intégration de ces communautés non-belges.
Entre « islam » et « islamisme », la différence est réelle
La communauté musulmane est installée en Belgique depuis trois générations. Mais pourtant, la problématique concernant leur identité reste au cœur des discussions. En Belgique, 47% de la communauté marocaine vit à Bruxelles. Les attentats du 11 septembre 2001 et la montée du terrorisme depuis ce premier événement ont provoqué un amalgame entre “islam” et “islamisme”. Le signal d’alarme se déclenche : la religion islamique est prise comme justification de ces actes terroristes par une partie de la population.
La journaliste Rokhaya Diallo s’indigne d’ailleurs de l’utilisation qui est faite du terme “islamiste” dans un article de Slate.fr : « Ce qui me dérange, c’est que pour toutes les autres religions, on dit juste “extrémiste“. Là, le mot est construit à partir du mot ”islam”. Cela laisse penser que les deux sont intrinsèquement liés. La langue française est suffisamment riche pour que l’on puisse trouver un autre terme. »
Une jeunesse mitigée sur le débat identitaire
Aujourd’hui, le débat sur l’identité semble être moins problématique auprès d’une majorité des jeunes, qui ont un discours plus tolérant. Mais alors pourquoi ce débat prend-il toujours une place aussi importante dans les médias ? Selon Jean-François Raskin, la raison principale est que le débat est toujours alimenté essentiellement par des personnes de l’ancienne génération. « Les personnes qui débattent à propos de ce sujet sur les plateaux de télévision sont des gens âgés de plus de 40 ans qui ne connaissent pas cette tradition du voyage et de la découverte aussi forte que celle d’aujourd’hui », explique-t-il.
Il nuance toutefois le propos en disant que, même dans la jeunesse bruxelloise, il y a des individus totalement coupés de cette culture de l’ouverture. « Il y a des jeunes dits ” blanc-bleu-belge “, mais aussi à l’opposé des jeunes d’origines étrangères, qui sont confinés dans des ghettos du non-savoir. » Ce sont ces individus qui, selon lui, tombent dans les extrêmes et dans le rejet de “l’autre”. Il affirme également que ces jeunes sont coupés de l’éducation par rapport aux autres, et restent bloqués dans une vision du monde totalement binaire et manichéenne. Ils sont dans l’incapacité de comprendre la complexité des différences qu’ils ont avec les autres. Il est donc beaucoup plus facile pour eux de rejeter directement l’étranger.
Pauline Demolder, Hélène Duquesne, Souhaïb Boucheqif, Naji Tbel et Titrit Drissi
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