25
Fév
2015

Mars One annonce ses 100 finalistes pour coloniser Mars.
Un projet irréaliste ?

Mars One annonce ses 100 finalistes pour coloniser Mars.
Un projet irréaliste ?

25 Fév
2015

Mars One veut coloniser Mars : projet ambitieux ou pure folie ?

C’est l’un des projets les plus ambitieux du 21e siècle. Conçu par deux Néerlandais, Bas Lansdorp et Arno Wielders, Mars One a pour objectif de coloniser la planète Mars dès 2025. Les hommes et femmes sélectionnés pour cette mission s’envoleraient dans l’espace, pour un aller-simple.  Mars One a lancé l’appel à des astronautes potentiels en 2013. Plus de 200 000 personnes s’y sont inscrites. À présent, ils ne sont plus que 100 candidats à tenter leur chance pour faire partie de l’aventure.

Les patrons de Mars One indiquent n’avoir besoin « que » de six milliards de livres sterling (plus de huit milliards d’euros) pour envoyer les quatre premiers astronautes sur Mars. Pour récolter ces fonds, ils ont décidé de créer une sorte de « Big Brother », une émission de téléréalité autour des 100 finalistes. Le spectateur pourrait ainsi devenir témoin de l’entraînement des candidats à la vie sur Mars. La bande-annonce pour cette émission existe déjà. De quoi rendre Hollywood envieux.

Un projet qui ne sera probablement jamais réalisé

Alors que l’annonce des 100 derniers postulants a fait beaucoup de bruit dans les médias, nombre d’experts sont loin de s’en réjouir. En effet, beaucoup d’entre eux déclarent complètement irréaliste l’idée d’envoyer des personnes sur Mars d’ici dix ans. Les raisons de ce scepticisme sont nombreuses et compliquées.

Premièrement, selon un chercheur en astrophysique, nous sommes loin de posséder les moyens technologiques qui permettraient d’envoyer des personnes vivre sur Mars, encore moins d’assurer leur survie au cours du voyage. A titre de comparaison, la NASA, l’agence spatiale américaine, a demandé à SpaceX et Virgin, les deux leaders mondiaux dans la construction de navettes spatiales, de créer un engin capable d’amener des humains sur Mars. Cette future navette, appelée Orion, sera prête au plus tôt vers l’année 2030. Mars One, qui n’a pas de contrat officiel ni avec Virgin, ni avec SpaceX, compte déjà démarrer sa mission en 2025.

Deuxièmement, se pose la question du financement. Pour beaucoup d’experts, le budget de six milliards de livres sterling semble trop maigre pour financer un projet d’une telle ampleur. Nous avons interrogé à ce sujet le Dr David Spergel, astrophysicien théoricien, membre du Comité consultatif national pour l’aéronautique des États-Unis et professeur à l’université de Princeton. Il précise que pour une telle mission, il faudrait non seulement développer une navette spatiale, mais en plus, celle-ci devrait être capable d’accueillir des astronautes durant plusieurs mois de voyages et, en outre, être capable d’atterrir sur Mars. Selon lui, chacune de ces étapes est, à elle seule, non seulement extrêmement compliquée, mais elle coûterait très probablement plus de six milliards de livres sterling chacune. En comparaison, la mission Rosetta, qui consistait à « seulement » envoyer un robot sur une comète a coûté 1,3 milliard euros.

Troisièmement, aux difficultés technologiques et financières, s’ajoutent les problèmes de santé qui surgissent en fonction de la durée qu’un humain vit dans un environnement de microgravité (tel que dans l’espace). Des tests qui ont été menés sur la station spatiale internationale (ISS) ont montré qu’après six mois dans l’espace, les astronautes souffraient d’une diminution de la moelle osseuse, d’un début d’aveuglement et d’une perte musculaire, pour ne nommer que les maux les plus graves. Le monde scientifique ne sait toujours pas comment résoudre ces problèmes, ni par quoi ils sont causés précisément. Or, dans le cas du projet Mars One, rien que le voyage vers Mars dure entre six et sept mois.  Les astronautes arriveraient donc déjà affaiblis, au terme de leur voyage. Admettons que les astronautes de Mars One atterrissent sains et saufs sur Mars, se pose toujours la question du comment vivre sur Mars.

Un projet rempli d’illusion

Mars One Projet. Photo : Kurt Bauschardt

Photo : Kurt Bauschardt

Arnaud Mahieux, assistant scientifique à l’Institut d’aéronomie spatiale de Belgique, note que les chercheurs étudient l’atmosphère de Mars déjà depuis près de 30 ans afin de comprendre ce qu’il s’y passe exactement. Envoyer des personnes d’ici 2025 lui semble donc très prématuré. Un autre chercheur en astrophysique, qui souhaite rester anonyme, abonde dans le même sens : « Comment avoir accès à l’eau, comment cultiver des ressources nutritives, comment faire face au fait qu’on ne reverra plus jamais la Terre ? Ce sont toutes des questions auxquelles nous n’avons pas de réponse, car nous n’y sommes jamais allés. »

Le rêve d’enfance de ce dernier est de devenir un astronaute. Quant à savoir s’il a considéré d’envoyer sa candidature pour Mars One, il nous répond : « Pour moi, l’idée de ne plus jamais revenir sur terre, de ne plus jamais voir ma famille et mes amis, est quelque chose d’inenvisageable. » D’ailleurs, il a parlé de Mars One à un ancien astronaute qui lui disait que les personnes qui avaient postulé pour un aller simple vers Mars ne se rendaient pas vraiment compte de ce à quoi elles s’étaient engagées. Le spécialiste estime que, si on leur disait réellement de faire leurs bagages, de partir maintenant et qu’ils ne reverraient plus jamais la planète terre, beaucoup retireraient leur candidature.

Mars One fusée. Photo : Matthew Simantov

Photo : Matthew Simantov

Mars One brûlerait-il des étapes ?

Le Dr Spergel, astrophysicien de Princeton, déclare : « La NASA a envoyé des missions sans équipage sur Mars déjà depuis plusieurs années et ce, avec succès. Mars One, par contre, n’a encore envoyé aucune sonde sur Mars. En conséquence, dans leurs avancements, ils ne sont pas seulement loin derrière la NASA, mais aussi à distance derrière l’agence spatiale européenne, l’agence spatiale indienne, l’agence spatiale chinoise et même derrière le programme spatial russe. Mon impression est que leur programme est irréaliste et leur calendrier beaucoup trop ambitieux. »

Si tant de chercheurs considèrent ce projet tellement irréalisable, comment se fait-il qu’il existe ? Comment les concepteurs du projet peuvent-ils penser aboutir ? Arnaud Mahieux nous offre un début de réponse en nous expliquant que toutes les missions spatiales comprennent des risques : si l’on se focalisait uniquement sur les questions de sécurité, peut-être n’aurait-on jamais envoyé personne sur la Lune.

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