En vous baladant sur Internet ces derniers jours, vous avez peut-être vu passer ce drôle de mammouth tenant un téléphone entre ses pattes et répondant au doux nom de Mastodon ? Comme son nom ne l’indique pas, il s’agit du dernier réseau social à la mode. Si Path, Ello ou Peach ont tenté de se hisser comme nouveaux réseaux sociaux avec chacun leur originalité (sans pub ou encore uniquement disponible sur mobile) avant d’échouer, Mastodon semble tirer son épingle du jeu.
Mastodon a été créé par Eugen Rochko (alias @Gargron), un jeune Allemand de 24 ans. C’est fin 2016 que cette idée a germé dans son esprit pour se concrétiser au début de cette année. Pour lui, le concept important est celui de la « fédération ».
Les spécificités de Mastodon
Cette « fédération » est le cœur du fonctionnement de Mastodon. Contrairement à Twitter, Facebook ou encore Snapchat où l’on s’inscrit sur un serveur, un service bien particulier, sur Mastodon, il faut choisir une « instance » pour accéder au service. Il faut voir chaque instance comme un groupe de discussion. Certains sont généralistes, d’autres sont thématiques (droit des animaux, informatique, etc.)
Ce dernier est également un logiciel dit « open source » : cela signifie que tout le monde peut reprendre le code, le modifier, l’adapter selon ses besoins et puis en faire profiter la communauté. Cela signifie aussi que chacun peut récupérer le code de Mastodon, l’installer sur un serveur et monter sa propre « instance ».
Une fois que vous avez créé un compte sur une des (presque) mille instances qui sont en ligne, au moment où j’écris ces lignes, vous avez accès à Mastodon. Vous arrivez alors dans une interface divisée en plusieurs colonnes.
Passez votre souris sur l’image pour en savoir plus sur le fonctionnement de Mastodon…
Vous serez peut-être également contents d’apprendre qu’il n’y a pas de publicité sur Mastodon et que l’affichage de votre timeline est chronologique (là où Twitter, Facebook ou encore Instagram sont plutôt enclins à vous montrer en premier ce qui est susceptible de vous intéresser).
On retrouve donc des éléments de Twitter comme l’interface de base qui est fortement inspirée de TweetDeck (outil multicolonnes racheté par le réseau à l’oiseau bleu en 2011). Les « likes » sont des favoris comme sur Twitter jusqu’il y a peu et on peut repartager un « pouet » en faisant un « boost » (à l’instar d’un « retweet » sur Twitter). Le réglage de confidentialité des posts ne désorientera pas non plus les utilisateurs de Facebook qui connaissent déjà bien cette fonction. Aussi, cela ne vous surprendra probablement pas que l’on puisse utiliser les célèbres hashtags (ou mots-dièses) popularisés par Twitter au moyen d’un simple # pour parler d’un thème bien précis (repris depuis par Facebook).
Pour mentionner quelqu’un, on emploie également le @ suivi du nom d’utilisateur. Cependant, si l’on veut contacter quelqu’un inscrit sur une autre instance, il vous faudra suivre la syntaxe suivante : @nom_d_utilisateur@adresse_de_l_instance. Par exemple : je suis inscrit sur l’instance mastodon.xyz avec le pseudo @a_libotte → il vous faudra donc écrire @a_libotte@mastodon.xyz si vous êtes inscrits sur une autre instance que la mienne. Au final, cela ressemble presque à une adresse courriel tout ce qu’il y a de plus classique.
Et puis, si vous êtes également utilisateur de Twitter, un outil, appelé « bridge » permet de retrouver qui parmi ses abonnés et ses abonnements a franchi le cap de Mastodon.
Mastodon et ses bémols
On pourrait penser que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Or, comme pour tout, Mastodon a ses qualités… et ses défauts.
Tout d’abord, même si Mastodon peut être consultable sur les smartphones au moyen d’applications sur iOS et Android, ce ne sont pas des applications officielles. Amaroq sur iOS ou encore Tusky sur Android font très bien l’affaire, mais on peut regretter que certaines fonctionnalités ne soient pas bien supportées. Les notifications ne semblent pas fonctionner sur ces deux applications. Tusky ne prend pas en charge le Content Warning contrairement à Amaroq. Je suis bien conscient que nous sommes au début de l’aventure de Mastodon et qu’il ne bénéficie pas de la force de frappe d’un Facebook, d’un Twitter… On peut espérer toutefois que ces applications s’améliorent, que de nouvelles apparaissent ou même que des applications officielles fassent leur apparition.
On pourrait aussi penser au fait que la spécificité première de Mastodon, le système des instances, peut aussi poser des problèmes. S’inscrire sur une instance x ne va pas vous permettre d’avoir automatiquement votre compte sur une instance y ou z. Dans les faits, si vous êtes inscrits sur mastodon.xyz, ce n’est pas pour ça que vous serez automatiquement inscrits sur mastodon.brussels ou encore mastodon.social. Cela veut donc dire, si on pousse la réflexion un peu plus loin, que n’importe qui pourrait s’inscrire sur une instance différente de celle sur laquelle vous vous êtes inscrits… et créer un compte parodique par exemple ! C’est ce qui est arrivé avec la SNCF, par exemple.
Pour contrer ce phénomène, Numerama, un site d’actualités sur les nouvelles technologies, a décidé de créer sa propre instance afin d’héberger le compte officiel du site sur Mastodon, mais aussi le compte de ses journalistes. Ainsi, le fait d’héberger l’instance du média sur les serveurs de ce même média permet ainsi une sorte de certification, afin de rassurer le lecteur sur le fait que, oui, il lit bien le compte officiel du média. Cela peut s’apparenter au « V » bleu que Twitter, Facebook ou Instagram décernent aux comptes qu’ils considèrent comme authentiques.
Enfin, il n’est pas possible aujourd’hui de transférer un compte d’une instance à une autre. Si j’avais envie de quitter mastodon.xyz pour mastodon.social ou mastodon.brussels (pour donner des exemples), je dois créer un nouveau compte sur la (les) nouvelle(s) instance(s) et donc recommencer mon compte à zéro : refaire ma base d’abonnements, d’abonnés, « pouetter » deux ou trois fois le même contenu… Bref, cela devient fastidieux.
Que dire aussi de ceux qui décident de quitter une instance pour se créer un nouveau compte sur l’instance originale (mastodon.social), celle créée par le fondateur de Mastodon ? En faisant ainsi, on passe complètement à côté de ce concept de décentralisation et de fédération pour se rapprocher de ce que tout réseau social « classique » permet : un seul endroit, une seule adresse où tout le monde s’inscrirait.
Est-ce que ça marche ?
Si on prend comme source le robot qui compte le nombre d’utilisateurs sur la plateforme, on peut remarquer qu’au 28 avril 2017, plus de 530 000 comptes ont été créés. Entre 500 et 700 comptes en moyenne sont créés chaque heure.
Si on se base sur la liste officielle des plus de 1000 instances reconnues, le top 3 de celles-ci ayant le plus d’utilisateurs est composé de pawoo.net, mstdn.jp et mastodon.social (on ne peut pour le moment plus s’inscrire sur cette dernière). Ce sont également les trois où l’on retrouve les utilisateurs les plus prolifiques en « pouets ». Toutefois, rien ne vous oblige de choisir une instance populaire : vous aurez quand même accès aux utilisateurs des autres instances.
En ce qui concerne le public, actuellement, on retrouve principalement des “adeptes précoces” (early adopters en anglais). C’est-à-dire des personnes qui ont entendu parler de Mastodon via le bouche à oreille ou bien via les sites qui ont relayé la fulgurante progression du mammouth. Beaucoup ont créé des comptes pour tester la bête et voir comment fonctionnent les instances.
On se retrouve donc maintenant avec un nombre de comptes peu ou pas actifs, car, pour certains, cela n’apporte pas tellement grand chose par rapport à Twitter ou Facebook. Pour ma part, je fais partie de ceux qui tentent de trouver une utilité à Mastodon. J’ai mes amis sur Facebook, mes abonnés et abonnements sur Twitter. Mastodon vient encore se rajouter à cela. C’est un réseau qui vient se greffer en plus alors qu’il ressemble à ce que Twitter propose.
En conclusion…
Mastodon n’est pas le réseau social qui va faire déserter Twitter de ses utilisateurs, malgré sa popularité actuelle. Être une version « canada dry » de Twitter, au même titre que le regretté App.net ou encore Diaspora, ne risque pas de tuer l’oiseau bleu dans l’œuf. On pourra toutefois souligner que l’exécution est relativement bien réalisée. Reste à voir si la sauce prendra chez les utilisateurs aguerris de Twitter (ou même Facebook) et si ceux qui s’étaient créés un compte « juste pour voir » se mettront à utiliser la plateforme de manière plus intensive. L’oiseau de Twitter se transformera-t-il en mammouth de Mastodon ?
Cet article a été écrit suite à « Mastodon : comme un mammouth dans l’univers des réseaux sociaux » publié sur le lab.davanac.
Il faut corriger la partie “Est-ce que ça marche ?” : il se répète et il n’y a pas 1 million mais 374000 utilisateurs d’après https://instances.mastodon.xyz/list et https://social.lou.lt/@mastodonusercount
Bonjour Vincent,
Il s’agit d’un malheureux concours de circonstance : le robot “user count” que vous citez et que j’ai utilisé a été victime d’un souci technique hier en fin de journée. Il annonçait à ce moment-là plus d’un million de comptes. Ce problème semble résolu à présent. Merci de l’avoir remarqué !