Quand un couple de chevaux de trait remplace un camion-poubelle motorisé au sein d’une commune urbanisée de plus de 100.000 habitants, qu’est-ce que ça donne ?
Nous sommes le vendredi 6 mars, 8 heures du matin. Encore une froide matinée pour commencer la journée. Nous avons rendez-vous avec Aurore Lallemand, une jeune femme pétillante et passionnée, littéralement amoureuse de son métier : celui de meneuse. Alors qu’elle termine de seller Vouziers et Taram, elle nous propose de l’accompagner pendant sa tournée en calèche dans les rues de Schaerbeek pour nous faire découvrir de plus près un projet qui fait parler de lui jusqu’aux Etats-Unis. Nous voilà installés, un plaid sur les genoux. Objectif : ramasser les corbeilles d’une partie de la commune.
Quelle énergie ! Ce petit bout de femme parvient à canaliser des bêtes de près d’une tonne chacune. Aurore se montre étonnamment à l’aise face à nos questions, ce qui s’explique par le fait qu’elle ne compte plus le nombre d’interviews qu’elle a pu donner ces derniers mois. En effet, l’engouement autour de cette calèche est énorme.
Une histoire d’amour
Elle a quitté le milieu bancaire il y a quelques années – dans lequel elle ne parvenait pas à s’épanouir – afin de pouvoir se consacrer à une profession qu’elle a toujours rêvé de pouvoir exercer. Amoureuse des chevaux depuis sa plus tendre enfance, elle n’hésitait pas étant petite à dormir dans les boxes de ses animaux, sans jamais se sentir en danger. Si elle n’a jamais craint les chevaux, il lui a toutefois fallu s’adapter à la calèche et aux petites rues étroites qu’elle doit emprunter. Mais le temps et l’expérience font qu’elle peut maintenant passer n’importe où sans le moindre problème.
Mais si elle aime les animaux avec lesquels elle travaille au quotidien, elle n’oublie jamais qu’elle reste la meneuse. Sa fonction l’amène à rester stricte avec ces deux chevaux de trait, dont l’un a la vilaine tendance à somnoler durant le parcours. Aurore nous montre alors toute son autorité : « Taram ! Tu dors ?! » Et hop, le voilà reparti : « Tu dois toujours les tenir, sinon ils vont te la faire à l’envers ! »
Sa relation avec ses animaux dépasse largement le cadre de l’outil de travail. Elle les aime et ils le lui rendent bien. Elle nous raconte que Vouziers s’est déjà effondré de fatigue, épuisé de vouloir trop bien faire. Elle, de son côté, se projette déjà dans le futur, quand les deux chevaux de traits seront retraités. Elle compte bien s’en occuper jusqu’au bout, et faire de longues promenades avec eux quand elle pourra (et si elle peut) les reprendre avec elle.
« Le cheval te sert d’accroche auprès des gens »
Aurore apprécie la dimension sociale qu’un tel projet a pu apporter à Schaerbeek. Elle ne compte plus le nombre de personnes qui la saluent, lui demandent comment elle et ses chevaux vont. Elle nous confie même que certaines personnes, qui connaissent son itinéraire ou son heure de passage, attendent sur le bord de la route pour la voir passer : « Le cheval te sert d’accroche auprès des gens. » Une dimension qui amène à percevoir Schaerbeek autrement et qui montre, qu’en plus de ses attraits économique et écologique, cette activité a aussi pour effet de rapprocher les gens.
Voilà déjà plus d’une heure que nous l’accompagnons, et Aurore s’est montrée tellement captivante que nous n’avons jamais senti le froid de cette matinée glaciale. Nous quittons sa calèche avec une certitude : la fonction de meneur à Schaerbeek est entre de très bonnes mains.
Portrait réalisé par Quentin Vanhay