Mohamed Ouahbi, fraîchement nommé troisième entraîneur (T3) d’Anderlecht, a un parcours plutôt atypique. Alors qu’il n’a pas de passé de footballeur, “Mo” comme on l’appelle dans la maison Mauve, a gravi les échelons jusqu’à se retrouver dans le staff de l’équipe première du club le plus titré de Belgique. Mo apparaît comme un guide, un véritable trait d’union entre le centre de formation et l’équipe senior. Après une magnifique épopée en Youth League (une belle demi-finale) la saison dernière, “Mo” entame un nouveau chapitre de sa vie. Retour sur sa jeune carrière d’entraîneur et sur les joueurs qui l’ont marqué.
Mohamed Ouahbi se découvre une passion pour le football à l’occasion de la Coupe du monde 1986. À la maison, la famille Ouahbi supporte la Belgique, mais vibre surtout pour les Lions de l’Atlas (surnom de l’équipe nationale marocaine), qui parviennent à se hisser en huitième de finale. Aucun pays africain n’avait, jusque-là, réalisé pareille performance.
Mohamed est un Schaerbeekois de pure souche. Il est né dans la cité des Ânes, y a étudié et vient même de racheter la maison familiale dans laquelle il a grandi. Père de trois enfants, son amour pour le football le pousse à entamer des études d’éducateur dans l’espoir de pouvoir, un jour, associer son métier à sa passion.
Après un certain nombre d’expériences dans des écoles qu’il qualifie de “difficiles”, il est approché durant ses études par le Maccabi Bruxelles, un club de confession juive de la Ville de Bruxelles. Une opportunité parfaite pour s’affirmer en tant qu’entraîneur, mais surtout en tant qu’homme : « Le fait de travailler avec des jeunes, de préparer des séances d’entraînement, m’a beaucoup apporté. Cela m’a permis d’être plus performant à l’école et dans mes stages, parce qu’à cette époque, je n’étais pas très à l’aise devant un groupe. Je me rappelle quand je donnais cours au tout début, j’osais à peine ouvrir la bouche. Le Maccabi m’a vraiment aidé à m’affirmer. Quand je suis arrivé dans ce club, j’avais très peu d’expérience ; c’est là que j’ai découvert le métier d’entraîneur. »
« Faire abstraction de tout préjugé »
Au cours des six années passées au Maccabi Bruxelles, “Mo” a côtoyé une communauté qu’il ne connaissait pas : « À mon arrivée au Maccabi, j’ai découvert une communauté à la fois solidaire et ouverte. Il y avait des Maghrébins et des Turcs dans pratiquement chaque équipe d’âge, et ça se passait très bien. J’ai humainement beaucoup appris. C’était très enrichissant sur le plan social. Heureusement, car, sur le plan sportif, on n’était pas très bons ! (Rires). Mon passage au Maccabi m’a permis de m’ouvrir, de faire abstraction de tout préjugé et de prendre du recul sur tout ce que l’on entend. »
En 2003, Mohamed rejoint le staff d’Anderlecht en tant qu’entraîneur des jeunes. Il y retrouve son ami Yannick Ferrera, rencontré auparavant au Maccabi, et découvre les installations d’un club faisant partie de l’élite belge. Dès sa première année, on lui confie une génération pleine de promesses. Les moins de 9 ans (U9) de la génération des 96, celle des Musonda et Januzaj. Il les suivra jusqu’en U11, où il restera trois ans, avant de les retrouver en U14. Il prendra ensuite les rênes des U17 avant de se retrouver, la saison dernière, dans la dernière équipe de jeunes du Sporting, les U21.
Lorsque “Mo” évoque les joueurs les plus doués issus du centre de formation, deux noms apparaissent très vite au sommet de sa liste. Tout d’abord, son petit protégé : Tielemans, véritable fer de lance de cette nouvelle génération mauve. Son rôle de capitaine dans les différentes équipes d’âges, son attitude et sa discipline font de Youri Tielemans l’un des joueurs les plus sérieux qu’il ait côtoyé. Jamais un retard, jamais une absence, une très bonne éducation et, surtout, des qualités hors normes. Il a suivi ce joueur tout au long de sa carrière et voici qu’à présent il le retrouve en équipe première.
Et puis, il y a bien entendu Musonda : « Un génie du ballon, un talent pur, un créateur. » Les superlatifs ne manquent pas lorsqu’il parle de la petite pépite belge. Mais Musonda est un joueur « tard-mature » comme dirait “Mo”, un joueur qui est encore trop léger physiquement pour prétendre à une place de titulaire dans un club comme Chelsea. « La barre Chelsea est haute, mais je suis persuadé qu’il réussira. Il faut que les gens le découvrent. Il doit prendre du temps de jeu avec des adultes. Il doit juste jouer, que ce soit dans un petit club de Premier League ou en Ligue 1, il doit jouer. »
L’identité mauve
Le Sporting, véritable vivier à talents, produit chaque année des jeunes promesses du football belge. Ce niveau de formation fait d’Anderlecht l’un des clubs les plus renommés au monde en matière de jeunes talents. Selon “Mo”, il est possible de percevoir cette marque de fabrique propre à Nerpeede.
L’arrivée de Jean Kindermans en tant que directeur de la formation y est pour quelque chose. Du talent, évidemment qu’il y en avait. Mais il n’y avait pas cette identité de jeu, cette touche mauve que Jean Kindermans a apportée dans chaque équipe d’âge. Cette trace de la formation d’Anderlecht est visible chez des joueurs comme Heylen, Dedoncker ou Tielemans. Une technique au dessus de la moyenne, une excellente vision du jeu, un jeu des deux pieds. Tant de caractéristiques que l’on retrouve fréquemment chez les jeunes produits anderlechtois.
Un avis nuancé par Jacques Lichtenstein, l’un des agents de joueurs les plus connus de notre royaume (notamment celui de Vincent Kompany) qui parle, lui, de talent inné plutôt que de talent acquis : « Pour moi, il n’y a pas vraiment de trace de la formation anderlechtoise. Anderlecht a les meilleurs talents parce que le club est le plus riche du pays, et parce qu’il se trouve à Bruxelles, le centre névralgique de la Belgique. Kompany, meilleure publicité pour Nerpeede ? Oui, certainement, mais Kompany est un phénomène et il aurait percé dans n’importe quel club, tout comme Lukaku ou Tielemans. On ne peut pas dire qu’Anderlecht est ce qu’il y a de mieux au monde en matière de formation. Quand vous regardez la différence de moyens entre un club comme Anderlecht et un club comme Manchester United, vous comprenez directement que ces deux clubs ne jouent pas dans la même catégorie. »
Andrea Iore, analyste du recrutement pour le compte du club de Leeds, pensionnaire de Championship (D2 anglaise) parle, quant à lui, d’un profil “belge“ plutôt que d’un profil anderlechtois : « Bien sûr, lorsque vous parlez d’un club belge en Angleterre, c’est directement Anderlecht qui est mentionné. Les joueurs belges ont la cote en Angleterre. Et c’est souvent du côté d’Anderlecht qu’on va les chercher, parce qu’ils ont un profil qui plaît ici. Les meilleurs joueurs du pays veulent jouer à Anderlecht, et ce club a des plus gros moyens en matière de scouting et d’infrastructure que les autres clubs de Jupiler Pro League. Avec l’immigration marocaine et africaine, tous les clubs savent que la Belgique est un pays phare en matière de jeunes talents. »
Mo, trait d’union entre les jeunes et les codes du club
Auteur d’une saison exceptionnelle avec les U21 l’année passée, “Mo” apparaît donc comme la personne idéale pour concilier l’aspect sportif et social. « Il est arrivé là où il est aujourd’hui grâce à ses compétences, et grâce à son mode de fonctionnement. Mo est certainement l’un des coaches les plus à l’aise dans cette communication, dans cette manière d’aller chercher les jeunes là où ils sont, pour les amener là où il veut.» Mais ce n’est pas tout, poursuit Jean-François Lenvain, directeur de la cellule sociale : « C’est une fierté de voir toute une série de jeunes en équipe première. Cela n’aurait pas été possible il y a dix ans. Ce sont des gamins des quartiers bruxellois d’origine africaine ou maghrébine. Ces gamins ont des “codes” qui sont, au départ, très différents de ceux d’un club comme Anderlecht. A un certain moment, cette absence de ‘‘langage commun’’ a rendu nécessaire la présence, dans le club, de gens comme Mo. »
Et, lorsque que l’on demande à “Mo” s’il serait tenté par une expérience de T1, telle celle que vit actuellement son ami Yannick Ferrera, il répond invariablement : « Si j’ai envie d’officier en tant que T1 ? Oui, pourquoi pas ! Il ne faut jamais dire jamais ! Mais si je n’y arrive pas, je ne serai pas déçu. Je vis au jour le jour. Que ce soit au Maccabi, avec les jeunes, ou en première division, l’essentiel, pour moi, est de prendre du plaisir. » N’est-ce pas là, en effet, l’essence-même du football ?
La cellule sociale du Sporting et son ambitieux projet : « Purple Talent »
Cette réussite en matière de formation s’explique également par l’impact de la cellule sociale du Sporting sur ces jeunes. Seul service du club à travailler à la fois avec l’équipe première et les jeunes, la cellule sociale a été créée il y a une dizaine d’années, pour une double raison.
Tout d’abord, dans le passé, le club anderlechtois a perdu toute une génération de jeunes talents pour des raisons extra sportives. Cette génération « gâchée » s’est fait renvoyer du club : ces jeunes ne bénéficiaient pas, alors, du suivi rigoureux qui est maintenant de rigueur. A l’époque, les Batshuayi, Kagé et autres gaillards boudaient l’école, et leur club n’en était pas informé. Et lorsqu’on a des problèmes à l’extérieur du terrain, cela a évidemment des répercussions sur le terrain. Aujourd’hui, le club d’Anderlecht dispose de plusieurs partenariats avec différentes écoles : le suivi des joueurs est beaucoup plus sérieux.
D’autre part, le club a laissé échappé de très grands talents comme Eden Hazard ou Kevin De Bruyne : alors que ces joueurs étaient désireux de rejoindre l’école de jeune du Sporting, le club n’était pas en mesure d’assurer la “logistique“ que leur entourage réclamait. Cet élément a, lui aussi, favorisé la création de la cellule sociale.
C’est donc pour ces deux raisons que la direction d’Anderlecht a pris la décision de créer la cellule sociale, et de mettre en place le projet « Purple Talent », en collaboration avec une série d’écoles, d’internats et de familles d’accueil.
Le projet « Purple Talent », créé il y a une dizaine d’années par Peter Smeets, était à l’origine uniquement actif du côté néerlandophone. La première “bouture“ est assez connue : elle est formée des Lukaku, Heylen, Roef, Dedoncker et autres.
Le but de ce projet est d’encadrer les jeunes d’un point de vue juridique, social, et surtout scolaire. Aujourd’hui, ce projet rassemble plus de 120 joueurs, dont 51 logent sur place. Un travail indispensable selon Mo : « Il faut des gens qui s’occupent de l’aspect scolaire. Il y a des entrainements prévus en journée, donc il faut prévoir un planning, aménager les horaires, les déplacements. Leur rôle est vraiment primordial. Je pense que c’est grâce à cela qu’on sort beaucoup plus de jeunes. Si le centre de formation d’Anderlecht est connu mondialement à ce jour, c’est le résultat du travail réalisé au niveau technique par Jean Kindermans, et au niveau social par Jean-François Lenvain. »
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Excellent reportage