« Nous ne sommes pas dangereux, nous sommes en danger » : l’un des slogans que l’on pouvait entendre mercredi 22 octobre devant la gare centrale de Bruxelles. Un rassemblement d’une centaine de personnes contre l’opération policière européenne de contrôle des sans-papiers Mos Maiorum s’y est tenu, à l’initiative de plusieurs organismes et collectifs, dont La Voix des sans-papiers, le SP Belgique et le collectif Mobilisation Groupe 2009.
Le même jour, lors d’un débat parlementaire européen sur l’opération Mos Maiorum, la libérale Cecilia Wikström a souligné que les réseaux de passeurs étaient actifs en Afrique du Nord et qu’ils sont donc hors de portée de l’action menée par l’Europe. Ces réseaux sont la cible affichée de Mos Maiorum. Le Parlement européen demande « davantage d’informations sur l’opération de police lancée par la Présidence italienne du Conseil, le rôle de l’agence de surveillance des frontières de l’UE Frontex, et la façon dont les personnes [en situation irrégulière] appréhendées sont traitées. »
Les associations craignent des abus
De son côté, L’European network against racism (ENAR) se dit inquiet car cette opération, bien qu’elle devrait se concentrer sur les frontières extérieures de l’espace Schengen, ne s’y limite pas. « Cette opération pourrait se détacher de son but initial. » De plus, « le terme couramment emprunté ‘d’immigré illégal’ n’est lui pas légalement correct », ajoute Juliana Wahlgren de l’ENAR.
Des policiers pour effectuer des contrôles devant la porte de l’asbl Pigment à Bruxelles : une conséquence directement liée au Mos Maiorum, selon une employée de l’asbl, Lore Bellemans. Cette situation inédite installe un climat de peur au sein des sans-papiers accompagnés par l’association.
Les actions de type Mos Maiorum s’effectuent tous les six mois mais ne font pas grand bruit. Cette fois, grâce à l’organisation de journalistes citoyens Statewatch, l’information est parvenue au public. L’organisation a révélé un document confidentiel sur la planification de Mos Maiorum, en juillet dernier.
Un militant au sein du collectif Mobilisation Groupe 2009, Sebastian Franco, explique : « Il faut sensibiliser les gens à réagir en cas d’arrestation de sans-papiers. Il faudrait que l’Etat arrête de contrôler massivement, notamment dans les transports publics. Il faudrait d’ailleurs que la STIB arrête de collaborer avec la police ».
« Un manque cruel de débat démocratique »
Le collectif Mobilisation Groupe 2009 compte poursuivre la sensibilisation autour des « rafles » quotidiennes et espère être entendu par les politiques. Par ailleurs, le collectif La Voix des sans-papiers a poursuivi la mobilisation et une centaine de personnes ont manifesté le 23 octobre devant l’Office des étrangers à Bruxelles. La foule a revendiqué la régularisation des sans-papiers en Belgique, l’arrêt des expulsions, le respect des conventions internationales par l’Europe et des conditions de travail égalitaires.
Outre le principe même de l’opération Mos Maiorum, d’autres éléments sont en question. Notamment le processus décisionnel qui mène à ce type de vaste opération. C’est aux chefs d’Etat et de gouvernement européens que revient la décision, sans consultation du Parlement européen. Damienne Martin, du pôle politique du CIRE (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers), dénonce un manque de débat démocratique et l’opacité générale autour de cette opération.
Le bilan de l’opération est prévu les 11 et 12 décembre 2014.