L’exposition “Unique Little Belgium“, qui met en avant les dessinateurs de la presse jusqu’au 30 juin 2016. Cette initiative de la galerie The Cartoonist expose pas moins de 90 réalisations de 22 dessinateurs de presse et a pour but de refléter la spécificité et l’humour belges. A l’occasion de cette exposition, nous avons rencontré le dessinateur de presse Nicolas Vadot. Portrait.
Vadot se définit comme un dessinateur sans frontières. Et c’est le plus important selon lui. Nous voilà face à une personne qui cherche beaucoup. S’il ne cherche pas, il s’ennuie. Il a ce besoin de chercher, comme quand il a fait de la bande dessinée. L’idéal pour lui est de se retrouver en terrain connu mais pas trop.
Considéré comme dessinateur belge parce qu’il travaille pour la presse noir-jaune-rouge, lui ne se considère pas belge pour autant. Franco-britannico-australien, ses multiples origines sont devenues sa principale qualité. Elles font la différence dans son approche de l’actualité, qu’il décrypte depuis plusieurs points de vue différents.
Par contre, il se sent chez lui dans la capitale. “A travers le régionalisme, je me sens très bruxellois“, affirme-t-il, avant de mentionner les attentats de Bruxelles par lesquels il dit avoir été meurtri comme beaucoup. Il a habité à l’étranger et est déçu de la non-réputation de Bruxelles, mais encore plus par sa mauvaise réputation depuis les récents événements. “Ce que j’aime dans la Belgique c’est qu’elle n’a pas d’esprit nationaliste.”
“J’étais un extra-terrestre”
Arrivé en Belgique avec sa famille à l’âge de 17 ans, il termine son bac au lycée français. Après ces études artistiques, il poursuit à l’ERG (Ecole de recherche graphique), en communication visuelle à Bruxelles. “J’ai été pris de justesse, heureusement d’ailleurs sinon je ne sais pas ce que je serais devenu“. Il se rappelle, en septembre 89, le premier exercice était d’illustrer l’actualité. “J’ai tout de suite compris qu’illustrer l’actualité j’en avais rien à foutre, ce qui m’intéressait c’était de commenter l’actualité.”
Le dessin de presse lui a permis d’exprimer ses idées sans avoir le bagage technique. A l’école, il faisait des dessins politiques et était considéré comme un extra-terrestre. Il a dû se battre pour imposer ses dessins politiques à des profs qui n’en avaient rien à faire. Cela lui a permis de développer cette mentalité de combattant qui l’habite aujourd’hui. Une mentalité qui est aussi inhérente au métier de dessinateur de presse.
Selon Nicolas Vadot, le métier de dessinateur de presse, c’est la cerise sur le gâteau. “On fait un métier qui ne sert à rien, on peut faire un journal sans dessinateurs, on ne peut pas faire un journal sans journalistes.” Un dessinateur de presse dans un journal n’est jamais à sa place. Il affirme qu’il n’est d’ailleurs jamais à sa place nul part.”Quand je suis arrivé à l’ERG, j’ai beaucoup appris car j’étais déjà un chien dans un jeu de quilles.”
“Je ne suis pas un dessinateur humoristique”
Un article de L’Avenir affirme que l’exposition met en avant la spécificité et l’humour belges. Cependant, Nicolas Vadot ne se revendique pas dessinateur humoristique… Au contraire, il affirme ne pas l’être ! Et raconte qu’il doit toujours faire une explication textuelle par rapport à cela : “La différence entre un dessinateur humoristique et un dessinateur politique, c’est que pour le dessinateur humoristique, l’humour est une fin. En tant que dessinateur politique l’humour est un moyen, rien d’autre“. Il a plusieurs cordes à son arc, l’humour en est une mais en aucun cas Nicolas Vadot se considère comme humoriste. Il trouve cela même réducteur que le dessin de presse soit surtout qualifié d’humoristique.
Mettre la réalité à distance
Nicolas Vadot considère le dessinateur de presse comme une personne qui est à la fois engagée et désengagée en même temps. La limite pour un dessinateur de presse est qu’il devienne politicien et devienne alors sentencieux. Le pouvoir que son métier lui octroie est qu’il peut, “contrairement au commun des mortels s’exprimer tous les jours sur des sujets avec son propre nom“. Il se dit engagé d’une certaine manière, mais pour lui, le dessinateur de presse est surtout là pour mettre la réalité à distance, pour la rendre plus supportable. “Je peux être engagé mais je ne vais jamais dessiner des choses avec lesquelles je ne suis pas d’accord. J’essaie de garder un certain désengagement sans tomber dans le cynisme ou dans l’indifférence“.
C’est ce qu’il essaie de faire avec l’exposition “Ceci n’est pas l’Europe” organisée par Cartooning for Peace, réseau international de dessinateurs de presse, au Mons Memorial Museum jusqu’au 26 juin 2016. Il voulais parler de l’Europe d’aujourd’hui, dire quel est le problème. “Dans ce cas-là, je fais de la politique parce que j’ai une expo européiste“. Dans cette exposition, qui regroupe cinquante dessinateurs, il y a des dessins avec lesquels il n’est pas d’accord. En effet, le réseau Cartooning for Peace essaie de dresser des ponts entre les cultures tout en gardant une certaine distance. C’est ce qu’il trouve intéressant dans le dessin politique : “Il peut créer des ponts entre différents milieux. c’est qu’on ne peut pas le mettre dans une case, il est le cul entre deux chaises et c’est très bien comme ça”. Une caractéristique que Nicolas Vadot lui-même partage sans-doute avec le dessin politique, quand il affirme : “Ma spécificité, c’est que je ne viens pas de quelque part et donc, par définition, ça m’oblige à m’ouvrir vers d’autres.” Ce touche-à-tout, bruxellois “mais pas belge”, à la triple nationalité a su faire de sa différence sa force.