Le 15 mars dernier, se tenait à l’ULB une conférence intitulée « Belgique 2017 : les droits des personnes trans, toujours bafoués ». Ce jour-là, médecins, politiques, professeurs en psychologie et nombreux membres de la communauté transgenre, mais aussi cisgenre, étaient présents pour débattre sur le nouveau projet de loi relatif aux personnes transgenres.
Que dit la loi belge en 2017 ?
La loi actuelle sur la « transsexualité » qui date de 2007 n’est pas conforme à la Convention européenne des Droits de l’Homme en raison des traitements dégradants des personnes trans. En effet, en Belgique, les personnes qui souhaitent modifier leur « sexe » enregistré sur leur acte de naissance ou sur leur papier d’identité sont obligées de subir une opération chirurgicale de réassignation sexuelle, ainsi qu’une stérilisation. Pour ceci, ces personnes doivent obtenir l’attestation d’un psychiatre qui déterminera si oui ou non ces personnes peuvent changer de « sexe ». Concernant le changement de prénom, la personne trans doit fournir des attestations d’un psychiatre et d’un endocrinologue.
Présent à la conférence, le Chef de cabinet adjoint du ministre de la Justice, Serge Lipszyc, avait dans ses mains un gros paquet de feuilles imprimées. « Ce projet de loi qui vise à modifier la loi relative à la « transsexualité » de 2007, porte essentiellement sur des questions d’état civil ». Concernant la modification du « sexe » sur la carte d’identité, il ajoute « les personnes qui s’identifient transgenres pourront désormais émettre leur demande sur une base volontaire. Il ne sera plus nécessaire de subir une opération chirurgicale ni d’être stérilisé. Les personnes majeures ne devront également plus suivre de suivi psychiatrique. Tout sera basé sur l’autodétermination ». Le projet de loi relatif aux personnes transgenres de l’ex-Secrétaire d’État à l’Égalité des chances, Elke Sleurs, et du Ministre de la Justice, Koen Geens, devrait être voté pour le 20 mai prochain, « jour de la Gay Pride » a précisé Serges Lipszyc.
« C’est toujours dans les détails que le diable se cache »
« Cette proposition de loi est très intéressante, elle va nous donner les papiers qui nous correspondent » explique Samantha de l’association Trans-ition. Même si Samantha avoue ne pas avoir été confrontée souvent à ce genre de problème : « fini de se faire appeler “Monsieur” à l’hôpital à cause du sexe marqué sur notre carte d’identité », témoigne la dame à la chevelure dorée.
Contrairement à Samantha, Jessica (dont le prénom a été modifié pour l’article) s’estimait déjà satisfaite avec la loi actuelle. Même si la jeune étudiante admet une réelle avancée pour le prénom, elle n’est tout de même pas d’accord avec le changement de sexe sans opération. « Avoir un “F” sur sa carte d’identité et un pénis n’a pas de sens. Il faudrait alors ne plus indiquer le sexe (mâle ou femelle), mais le genre (homme ou femme). Notre société s’est construite sur une confusion entre sexe et genre, c’est dingue », explique la jeune fille de 29 ans.
Olivia quant à elle, reste très sceptique sur ce projet de loi « j’attends de voir le texte car c’est toujours dans les détails que le diable se cache. Ce qui me fait peur, c’est qu’il y ait des zones d’ombres par rapport au remboursement des opérations chirurgicales ». En effet, ces zones d’ombres, Olivia n’est pas la seule à les craindre. « Aujourd’hui, si on est remboursé à hauteur de 80 ou 90% pour les opérations, c’est grâce à la reconnaissance de la dysphorie de genre (trouble de l’identité sexuelle). Le risque avec la dépsychiatrisation, c’est qu’on ne reconnaisse plus cette dysphorie, et qu’on ne soit plus remboursé », explique Jessica, qui a tout de même dû débourser elle-même 3 000 euros pour effectuer son opération de réassignation sexuelle.
« Personne n’a prévu de cancer des ovaires pour les hommes »
Une autre inquiétude vient alors se joindre parmi d’autres : celle du remboursement de la sécurité sociale en cas de maladie. « Si une femme opère une vaginoplastie, elle n’aura plus de pénis mais elle gardera sa prostate. Elle peut donc avoir un cancer de la prostate. Dans l’autre sens, si un homme se fait une phalloplastie, il gardera tout de même ses ovaires et son utérus. Les lois sont sexuées, personne n’a prévu de cancer des ovaires pour les hommes. La question qui se pose est la suivante : la sécurité sociale va-t-elle rembourser ça ? » s’inquiète Diane, membre de l’ASBL Genres Pluriels.
Dorénavant, les procédures administratives pour changer de sexe et/ou de nom seront raccourcies et simplifiées. Cependant, il faudra tout de même faire une déclaration devant l’officier de l’état civil, qui demandera l’avis du procureur du Roi. Si l’avis est positif, un délai de réflexion d’entre trois et six mois est alors mis en place. « C’est un peu débile de demander une réflexion », s’étonne Jessica. « La personne qui vient modifier son prénom ou son sexe sur sa carte d’identité a déjà mûrement réfléchi, surtout si les opérations chirurgicales ont déjà été faites. Il y a un non retour en arrière au niveau corporel. Ce délai est fait pour persister la souffrance des personnes » explique l’étudiante qui a déjà changé son prénom.
Un chemin encore long
Concernant les enfants, ils pourront, à partir de 16 ans, demander le changement de « sexe » sur leur acte de naissance et leur carte d’identité. Mais ils devront toujours avoir l’attestation d’un pédopsychiatre pour effectuer la demande. Les enfants pourront néanmoins demander de changer de prénom à partir de 12 ans, avec l’accord des parents. Ils auront la possibilité de se rétracter une dernière fois avant leur majorité, contrairement aux adultes qui ne peuvent introduire qu’une seule demande.
Le projet de loi pour modifier la loi relative à la « transsexualité » de 2007 reste toute fois très binaire, déplore Diane, née homme mais qui ne se sent pas comme tel. « Il n’y a pas de place pour les personnes intersexuées dans ce projet de loi. Il y a des gens qui ne veulent pas qu’on les appelle Madame ou Monsieur. Moi, je suis dans ce cas-là ». Diane, qui n’aime pas l’acronyme LGBTQI (Lesbian, Gay, Transgender, Queer, Intersex) et préfère parler de sa personne comme GSRM (Gender, Sexual, Romantic, Minorities), affirme qu’il y a 48 variations sexuelles différentes. La loi a donc encore des progrès à faire, « mais Rome ne s’est pas construit en un jour », plaisante Diane.
Depuis le mois d’avril, la STIB autorise les personnes transgenres ou intersexuées à changer de prénom sans justification sur leur carte Mobib. Une initiative très appréciée par les personnes concernées.
Distinction :
La transsexualité est un terme psychiatrique assimilant la transidentité à une maladie mentale. Ce terme est donc à éviter lorsqu’on désigne des personnes transgenres. La transidentité n’a aucun lien avec l’orientation sexuelle et il est inexact de penser que la majorité des personnes trans souhaitent subir des opérations chirurgicales.