Octobre 2018, base de Kourou (Guyane), lancement réussi. BepiColombo est parti pour un périple de sept ans, direction Mercure. Derrière ce nom atypique se cache une sonde européano-nippone. Le vieux continent et le Japon se sont lancés, main dans la main, dans le projet fou d’envoyer une sonde en orbite autour de la mystérieuse Mercure.
Cette planète, la plus proche du soleil, intéresse de plus en plus la communauté scientifique. Son étude nous en apprendrait davantage sur la formation de notre système solaire et sur la Terre elle-même. À travers ce projet, l’ESA (l’Agence Spatiale Européenne) et la JAXA (l’Agence d’exploration aérospatiale japonaise) cherchent à récolter de nouvelles informations sur Mercure. À noter que seules deux sondes ont tenté le pari d’approcher cette petite planète. Dans les années 70, la sonde américaine “Mariner 10” n’avait pu la survoler que le temps d’un clin d’œil, un passage trop rapide pour une analyse précise. En 2004, la NASA a réussi la mise en orbite de la sonde « Messenger ».
Bepicolombo emporte de nombreux instruments. Chacun d’eux a pour finalité une compréhension plus fine de la première des planètes.
Le long voyage de la sonde qui, rappelons-le, devrait arriver en 2025, ne sera pas de tout repos. En effet, la proximité de Mercure avec le Soleil rend la planète difficilement accessible. Notre étoile a la fâcheuse tendance de phagocyter les corps qui s’en approchent trop lentement. Une réalité qui obligera la sonde à négocier sa vitesse afin de ne pas se faire piéger par notre étoile. C’est pour cela que Bepicolombo devra accomplir plusieurs tours dans notre système solaire. Elle effectuera un premier passage près de la Terre pour ensuite survoler deux fois Venus. La sonde profitera de la force gravitationnelle de ces planètes pour adapter au mieux sa vitesse.
Un peu avant l’orbite autour de Mercure, la sonde se séparera en deux sondes distinctes. La première, MMO (Mercury Magnetospheric Orbiter) est la partie japonaise du projet. Cet appareil orbitera entre 600 km et 11 600 km d’altitude. À cette distance, il lui sera possible d’analyser le champ magnétique de Mercure ainsi que son interaction avec le soleil. La deuxième sonde, MPO (Mercury Planetary Orbiter), la partie européenne, réalisera au total onze expériences différentes, en orbite entre 400 et 1500 km d’altitude. Ces expériences serviront à cartographier la planète. L’analyse de sa topographie permettra aux scientifiques d’étudier la structure, le fonctionnement du noyau, la composition et bien d’autres aspects important du corps planétaire.
« La Belgique est l’un des états les plus actifs de l’agence »
La mission BepiColombo verra plusieurs scientifiques belges de l‘Observatoire Royal de Belgique prendre part au travail d’analyse des données transmises par la sonde. Nos scientifiques interpréteront les mesures envoyées par le système MORE. Son principe consiste en un faisceau d’ondes envoyé depuis la Terre et réfléchi par le satellite. Ces ondes seront alors réceptionnées sur Terre par d’immenses antennes de 70 mètres de diamètre. Ce procédé rendra possible le suivi de notre sonde et la reconstitution de sa trajectoire. Les données récoltées devraient aussi permettre aux scientifiques de reconstruire, à l’aide d’ordinateurs, le champ gravitationnel de Mercure et de mesurer avec précision sa rotation. Cela donnera la possibilité aux chercheurs d’étudier les étranges phénomènes de marées qui agissent sur la topographie de la planète.
Marie Yseboodt, chercheuse à l’Observatoire Royal de Belgique et spécialiste de la planète Mercure, explique l’effet des marées solides. L’ORB aura ainsi l’occasion d’observer ces phénomènes grâce à l’instrument BELA (BepiColombo Laser Altimeter) :
Les principaux enjeux de cette aventure vers Mercure sont d’ordre scientifique. Le fait que cette planète soit très peu connue et difficilement atteignable représente un challenge pour quiconque se lance dans l’aventure. C’est pour cette raison que l’ESA prépare cette mission depuis les années 80. On l’a dit, le chemin vers Mercure est difficile. Les températures extrêmes à proximité du Soleil ont forcé scientifiques et industriels affiliés au projet à développer des technologies capables de protéger la sonde jusqu’à son arrivée.
L’importante distance qui sépare Mercure de la Terre, conjuguée à un environnement violent, impose aux outils d’être autonomes. Toute commande à distance demanderait un délai bien trop long, ce qui réduit considérablement la marge de manœuvre en cas de problème.
De manière plus générale, la Belgique est fortement impliquée dans les programmes de l’Agence Spatiale Européenne, que ce soit financièrement, avec ses technologies ou encore ses scientifiques. « Par rapport à la taille du pays, la Belgique est une grande puissance spatiale », nous explique Jérôme Bequignon, conseiller en chef à l’ESA. Depuis 2000, la Belgique aura investi pas moins de 5,4 milliards d’euros (chiffres ESA) dans les projets de l’Agence Européenne. Pour le budget de cette année, la Belgique arrive en 5e position dans les pays qui investissent le plus dans l’ESA.
Les entreprises belges de construction d’instruments et d’éléments spatiaux participent d’ailleurs régulièrement aux différents projets de l’Agence Spatiale Européenne.
La vision de l’Europe dans la découverte spatiale
En plein dans son programme « Horizon 2020 », l’ESA prépare déjà 2030. Plusieurs missions scientifiques devraient voir le jour, dont un éventuel retour sur la Lune ou l’envoi d’une mission habitée vers la planète rouge. Des projets d’envergures qui demanderont des efforts considérables à une agence qui n’a pas les moyens de Space X ou de la NASA.
On ne peut plus vraiment parler aujourd’hui de course à l’espace comme l’ont fait les États-Unis et l’URSS durant la guerre froide. Le temps est à la collaboration. L’ESA et les autres grandes agences spatiales coopèrent d’ailleurs sur de nombreux projets. Peut-être verrons-nous apparaître une coalition internationale pour des expéditions à la conquête des planètes extérieures au système solaire. Jérôme Bequignon conclut d’ailleurs en utilisant cette phrase dont l’impact a vocation à résonner dans le temps : « C’est une projection vers l’avenir. On parle de systèmes qui voleront dans vingt ans. Ça donne une perspective ».