Un marché bio de vente directe entre producteurs et consommateurs à Bruxelles
20
Mai
2016

Le TTIP, on en parle beaucoup ! Mais que faut-il en penser ? Coup de sonde dans un marché bio bruxellois.

Marché bio bruxellois dans lequel les producteurs vendent directement leurs produits frais aux consommateurs

Le TTIP, on en parle beaucoup ! Mais que faut-il en penser ? Coup de sonde dans un marché bio bruxellois.

20 Mai
2016

OGM, antibiotiques, hormones : comprendre le TTIP à partir du commerce de la viande

Le TTIP est un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement négocié par l’Union européenne avec les Etats-Unis. Son but ? Ouvrir le marché européen aux entreprises américaines en facilitant les exportations, les importations et les investissements outre-Atlantique. Une ambition qui laisse perplexes nombre de consommateurs et producteurs européens, notamment dans le secteur de l’élevage.

« En général, le principal problème serait la disparition pure et simple des droits de douane », déclare d’emblée Gérard Choplin, expert en matière agricole et ancien membre de la Coordination paysanne européenne. « On va alors avoir une très forte augmentation des importations venant des Etats-Unis puisque tout ce qui sera importé sera beaucoup moins cher et cela concerne majoritairement la viande et les produits laitiers », explique-t-il, avant de conclure : « Cela va accélérer la disparition des petits producteurs européens aux bénéfices des plus grosses fermes industrielles. »

Les produits importés seront à plus bas prix, car, aux Etats-Unis, ils vont être conçus de façon industrielle, alors qu’une grande majorité de petits producteurs européens gardent des méthodes de travail plus artisanales et donc plus coûteuses. Si la logique de libre-échangisme mondial reste compréhensible, ce traité risque donc de mettre en péril plusieurs secteurs d’activités en Europe, et particulièrement celui de la viande de qualité.

Des petits producteurs inquiets 

Le BBB s’est rendu dans un marché bio bruxellois et a recueilli quelques réactions de producteurs de viande plongés en pleine incertitude pour leur avenir.

« Nous sommes spectateurs de notre propre perte », affirme Bruno Van Rillaer, producteur de viande de volaille et de gibier bio, tout en servant un client sous le soleil matinal. « Nous sommes destinés à tous mourir parce que les lobbys sont tellement importants que c’est mieux d’avoir quelques grosses sociétés qui vendent n’importe quoi aux gens, plutôt que d’aller contrôler la qualité des produits artisanaux chez 150 000 petits producteurs », énonce-t-il avec colère. « Nous ne pourrons jamais rien faire contre les lobbys, nous sommes condamnés à mourir », conclut-il avec un goût amer.

Le TTIP pour mieux vanter les bons produits

Raf Silsomhof, producteur de viande de bœuf, rencontré sur le même marché, est, lui, plus nuancé et voit plutôt le TTIP comme un avantage. « Il va y avoir une nouvelle concurrence, mais cela ne doit pas nous effrayer. »

Il émet une condition sine qua non. « Si nous sommes capables d’expliquer aux gens que nous avons de très bons produits, sans antibiotiques, sans hormones, sans OGM, je pense que les clients belges seront toujours tentés par les produits belges. On pourra expliquer nos points forts au consommateur et peut-être vendre plus, mais certainement pas moins. »

Un producteur de viande prépare la commande d'un client

Un producteur de viande prépare la commande d’un client

Il reconnaît toutefois que ce sera plus difficile dans les restaurants. « A ce moment-là, le client ne voit plus la différence entre un steak belge et un qui vient de l’étranger, et ce sera alors au restaurateur de montrer la différence. Malheureusement, pour le restaurateur, tant que c’est une pièce de viande avec du goût et qui est moins chère, là, il sera tenté d’utiliser de la viande des Etats-Unis », précise-t-il.

Une viande venant des Etats-Unis atterrira en abondance sur les marchés européens et viendra ajouter de la concurrence dans un secteur déjà à la limite de la rupture ces dernières années.

Antibiotiques, hormones, OGM, chlore…

Le consommateur va, lui aussi, en subir les conséquences. En effet, les législations en termes de sécurité alimentaire sont tout à fait différentes entre les deux continents. En Europe, il est interdit de commercialiser des animaux qui auraient absorbé durant leur élevage des hormones, de fortes doses d’antibiotiques ou encore des OGM (voir à ce sujet l’article de Gérard Choplin sur la législation européenne en matière d’OGM à lire ici).

Aux Etats-Unis, ces pratiques sont répandues et tolérées. Le TTIP permettrait alors aux éleveurs américains d’exporter leur viande traitée à l’aide de ces différentes substances en toute légalité sur le continent européen. Cette viande sera moins chère que celle des éleveurs européens.

Du poulet bio vendu directement par le producteur aux consommateurs

Du poulet bio vendu directement par le producteur aux consommateurs

La baisse des prix aura surtout une répercussion sur les producteurs qui verront leur marge bénéficiaire difficilement se maintenir au-dessus de 0. Le consommateur ne remarquera pas d’énormes différences de prix, mais se retrouvera avec une profusion de viande de bien moins bonne qualité.

Un TTIP qui aura du mal à passer

Pour Yves Somville, secrétaire général à la Fédération wallonne de l’Agriculture (FWA), «on ne peut pas être favorable à un tel traité, c’est impossible ! » « Sauf si certaines conditions sont remplies, comme de garder un niveau élevé d’exigence en matière de sécurité alimentaire, ainsi que de refuser catégoriquement l’utilisation d’OGM et autres activateurs de croissance utilisés aux Etats-Unis », précise-t-il.

Alors, ce TTIP, passera-t-il ou ne passera-t-il pas ? « Le TTIP ne passera jamais, c’est impossible ! » exprime avec ardeur l’expert Gérard Choplin. « Il va y avoir des élections aux Etats-Unis, en France (où le gouvernement a d’ailleurs déjà déclaré qu’en l’état, il ne signerait pas l’accord) et en Allemagne (où la population est la plus remontée contre le TTIP), ce qui donne lieu à un contexte politique très défavorable au passage de ce traité transatlantique. »

Face à la pression du peuple européen contre ce TTIP, les différents candidats ne prendront pas le risque de froisser une grande partie de l’opinion publique nationale.

Européens et Américains visent en tout cas un accord de principe avant la fin de l’année 2016 et la fin du mandat de l’Administration Obama.

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