Incarcéré le jour de la naissance de sa fille, Olivier avait 32 ans et était convaincu de ne plus avoir aucun avenir. Pendant les deux premières années de sa détention, il s’abrutissait par le travail pour ne plus penser. Il nomme cette phase une « période de non-vie ». Seuls les parloirs le faisaient sortir de sa torpeur.
Puis sa condamnation a été une étape décisive : il écope au total de 8 ans et 1 mois de prison. Cette sanction lui a permis de déculpabiliser et également de commencer à se projeter dans l’avenir. Olivier se demande s’il est une exception, car après l’annonce de la sanction, il n’a plus eu l’impression d’être incarcéré. Il confie avoir souffert de tout sauf de la privation de liberté. Le plus dur pour lui était l’absence de ses proches et de confort.
Au sommet de la hiérarchie carcérale
En tant que prévenu, il avait droit à trois parloirs de trente minutes par semaine, puis en tant que condamné à un par semaine. Les cellules étaient ouvertes de 6h00 à 18h30 sans interruption. Sa vie sociale était riche, contrairement à certains détenus qui restaient toute la journée en cellule, par peur des violences qu’ils pouvaient subir. Olivier explique qu’il existe une hiérarchie implicite, liée au type de délit ou de crime que les détenus ont perpétré. La base de la pyramide est composée de ceux ayant commis des délits mineurs, qui restent en cellule toute la journée. Il y a une classe intermédiaire. Puis vient le sommet, où les détenus font à peu près tout ce qu’ils veulent. Olivier faisait partie de cette dernière catégorie.
Il se plongeait tous les soirs dans les études, jusqu’à l’obtention d’un diplôme en gestion-comptabilité. Il passait la journée à l’atelier ou en cuisine. Il n’allait jamais en promenade, pour ne pas entendre ses codétenus parler encore et toujours de la prison. Lui avait besoin de s’évader. Il s’est essayé à l’écriture, à la poésie, aux arts plastiques et même à la réalisation d’un court métrage, qu’il a présenté avec quatre codétenus à un festival local.
« J’étais plus libre en taule que je ne le suis aujourd’hui »
Au milieu de sa peine, il se fit embaucher à la bibliothèque. Cela lui permit d’être en contact journalier avec des enseignants, des intervenants culturels et du personnel de Pôle Emploi. Il n’était finalement plus regardé comme un détenu, mais presque comme un collègue. Il a d’ailleurs gardé contact avec plusieurs de ces personnes, notamment avec un enseignant, une conseillère pénitentiaire et même un surveillant chez qui il va dîner de temps en temps.
C’est aujourd’hui qu’Olivier souffre de solitude. Entravé par un bracelet électronique qu’il doit porter jusqu’en octobre 2015, Olivier sent peser sur lui le regard des autres. Il a l’impression que « l’étiquette d’ex-taulard » lui colle à la peau. Face à un employeur potentiel, il voit rapidement les sourires se transformer en rictus quand il commence à expliquer ce trou de 8 ans dans son CV. Et puis le bracelet impose un périmètre précis et un temps limité à ses déplacements. A moitié libéré, il se sent plus isolé que jamais. Il révèle, dépité : « j’étais plus libre en taule que je le suis aujourd’hui ».
Dans les prisons francophones de Belgique, la colère gronde et ne désenfle pas. Depuis le 25 avril 2016, les agents pénitentiaires font grève en réaction à l’ajustement budgétaire du ministre de la Justice Koen Geens. Les conditions de détention s’en trouvent fortement impactées. C’est dans ce contexte que nous donnons la parole à d’anciens détenus tout au long de la semaine. Ces rencontres ont été réalisées en France entre décembre et juillet 2015, dans le cadre d’un « crédit projet », c’est-à-dire un projet journalistique libre réalisé en fin de cycle de baccalauréat. Elles sont l’occasion d’une réflexion sur l’enfermement et ses séquelles.
Lire notre dossier “Libérés sans garder de traces ?”