La nuit est tombée depuis plusieurs heures sur Bruxelles et Molenbeek. Le vent qui souffle, fort, et le froid – température proche de 0°C – égratignent les rares passants qui s’aventurent dans la rue. À quelques pas de la station de métro Porte de Flandres, situé entre les derniers restaurants kebabs et épiceries ouverts à cette heure-ci, un petit bar diffuse le match PSG-Chelsea. Un véritable choc des huitièmes de finale de la Ligue des Champions et un bon divertissement pour tout amateur de football qui se respecte.
Réunion de famille
En poussant la porte du bar, non sans hésitation, la chaleur qui y règne contraste nettement avec la froideur et l’obscurité de la rue. Une trentaine d’hommes âgés de 30 à 50 ans – tous des habitués et tous d’origine marocaine – se sont rassemblés pour suivre la première manche de ce duel entre le club de la capitale française et Chelsea. Certains parlent à haute voix et rient en jouant aux cartes, d’autres s’amusent au « patché » – un jeu mêlant dés et une sorte de dominos – mais la plupart sont concentrés. Les yeux et les oreilles rivés en direction de l’écran géant branché sur beIN Sports.
Les commentaires de la télévision sont en arabe. Les éléments décoratifs aux murs – photos et peintures – font référence au Maghreb. Le tout sous le parfum des odeurs de thé à la menthe et de café. Quelques regards interloqués s’interrogent sur les raisons de notre présence donnant ainsi l’impression de débarquer inopinément au milieu d’une réunion de famille. « D’où venez-vous ? Vous êtes journalistes ? », ont été les deux premières questions que l’on nous a posé. La présence d’une jeune femme à mes côtés, dans cette ambiance masculine, a sûrement accentuée le sentiment de curiosité.
Le ballon avant tout
Les téléspectateurs donnent l’impression de vivre le match à fond comme s’ils supportaient l’une des deux équipes ou qu’ils avaient parié de l’argent sur l’issue de la rencontre. Ils s’enthousiasment, par exemple, sur chacune des accélérations de Lucas, Di Maria ou sur l’arrêt réflexe de Kévin Trapp à la 23e minute. Mais, contrairement aux apparences, pas de véritable fan club du PSG ici. « Nous ne supportons aucune équipe en particulier », révèle Ahmed, décontenancé, qui porte pourtant un survêtement avec le logo du Paris-Saint-Germain. Ici, on aime juste le beau jeu. On supporte donc le Barça et Paris. »
« On ne veut pas parler de politique, seulement de ballon rond », complète et martèle Omar, 32 ans, qui s’est également mué en supporter du PSG d’un soir. « Même si il y a deux Belges à Chelsea (Hazard et Courtois, NDLR), ça ne change rien. Moi je préfère être derrière des grands joueurs comme Ibrahimovic. »
Étonnés dans un premier temps, les spectateurs présents au bar répondent volontiers à nos questions mais gardent cette crainte dans le regarde d’être une nouvelle fois critiquée à tort et de voir leurs paroles déformées. Et quand on demande, quel choix il ferait si le PSG devait affronter un club belge, la réponse est sans équivoque. « Ah là, on supportera Anderlecht et La Gantoise ! », répond avec malice le gérant du bar. Ces passionnés de football seront sûrement à pousser derrière La Gantoise ce mercredi 17 février. Les champions de Belgique affrontent le club allemand de Wolfsburg.
Leïla Khouiel et Kozi Pastakia