Le sexisme est une épée à double tranchant. Je l’ai découvert quand j’ai rejoint une équipe composée d’hommes au sein d’un supermarché. Ils pouvaient porter leur prénom alors que le mien restait sur la touche. Face aux « miss » ou « ma fille » condescendants, ponctués par le ton paternaliste de mes égaux en âge, j’ai pensé « sexisme ». Collée à ma caisse pendant huit heures, alors que mes collègues masculins bénéficiaient d’une tournante à ce poste, j’ai pensé « sexisme ». Exclue d’office des blagues un tantinet macho – alors qu’elles me font rire -, j’ai hésité à penser « sexisme ». C’est vrai, comment leur expliquer que j’affectionne les paroles de Damso et qu’à la fois, je n’accepte pas qu’on m’attribue un pseudonyme infantilisant ? Le cul entre deux chaises, j’ai continué à scanner mes articles, en arborant le sourire niais qu’on attendait de moi.
Comment le mot “sexisme” est apparu
Je tape le mot « sexisme » dans ma barre de recherche. Un coup d’œil sur les 260 millions de résultats suffisent pour rendre compte du flou que ce mot représente : « nom masculin, Attitude de discrimination fondée sur le sexe (spécialement, discrimination à l’égard du sexe féminin) ». Pourquoi avons-nous besoin d’une mention spéciale à l’aune de l’égalité hommes-femmes ?
Pour les féministes de la deuxième vague dans les années 70, le sexisme dénonçait la suprématie d’un sexe sur l’autre. Dans la pratique, il s’agit de la domination des hommes sur les femmes. Calqué sur le terme « racisme », le « sexisme » soulignait les mécanismes communs entre l’oppression des femmes et l’oppression raciale. Pour mettre fin à une telle hiérarchie, il fallait un mot. Trop discriminatoire, le « chauvinisme masculin » est passé à la trappe. Le « sexisme » est alors arrivé sur le devant de la scène. Mais son utilisation est-elle toujours légitime aujourd’hui ?
Une enquête publiée par Moustique en mars 2018 révèle qu’en Belgique, 31e au classement de l’égalité des sexes, un francophone sur deux pense que la société est dominée par les hommes. Ironiquement, la moitié d’entre eux pense toujours qu’une femme habillée de manière sexy provoquerait des comportements sexistes. En effet, une femme sur trois déclare avoir été victime d’un tel comportement. Du côté des jeunes, la moitié des personnes sondées pointent le sexisme du doigt. Mais ne faudrait-il pas plutôt viser notre société ?
Dans un monde d’égalité, le sexisme serait une vieille blague
Sociologues et psychologues s’accordent pour dire que nous sommes passés d’une société standardisée à une société de choix. Oui, finalement, nous sommes des hommes et des femmes, caractérisés par une pluralité de choix. Et si nos décisions semblent parfois incohérentes, c’est souvent parce qu’elles sont indépendantes de notre sexe ou de notre genre. Et si nos choix nous rendent uniques et notre humanité semblables, la notion de “féminisme” devrait laisser place à l’égalité, tout court. On constate que celle-ci est loin d’être atteinte, mais les définitions du genre, quant à elles, ne cessent de se multiplier afin que nous vivions chacun notre féminité ou masculinité à notre manière. Le terme “sexisme” nous renvoie aux cases créées par notre société sexuellement connotée, c’est pourquoi il devrait faire l’objet d’une obsolescence programmée. Et ainsi, devenir une vieille blague.
Marine Créer