Dans son atelier qui porte encore les traces de son ancienne menuiserie, David Servé a désormais remplacé les planches et la sciure de bois par de la tôle et du cambouis. À en juger par le nombre de voitures qui envahissent le parking de cette bâtisse de la périphérie bruxelloise, on en déduit vite qu’il s’est reconverti dans l’automobile. Mécanicien ? Ce serait trop simple !
La cinquantaine, un peu bossu, les cheveux grisonnants et ébouriffés, en bleu de travail et toujours un outil ou une tasse de café à la main, voici David. À voir ses mains, il n’y a pas que son atelier qui ait gardé des traces de la menuiserie. Son pouce gauche, auquel il manque une phalange, marque clairement les années d’expériences. Tout comme son ouïe diminuée par les milliers d’heures passées à côté des machines.
Menuiserie automobile
David Servé voue une passion aux voitures anciennes, vraiment très vieilles, et surtout anglaises. Ayant eu beaucoup de voitures différentes, il a voulu se tourner vers quelque chose d’encore plus ancien. Un beau jour, il a acheté une voiture d’avant-guerre dont il a confié la restauration à un professionnel. À l’époque, il est encore menuisier et il trouve l’ancêtre d’avant-guerre qu’il attendait tant. Le travail n’étant pas soigné et pas à son goût, il décide de le recommencer lui-même pendant son temps libre. C’est à ce moment qu’il prend conscience de la véracité de l’adage « on n’est jamais mieux servi que par soi-même ».
Depuis ce moment David a arrêté de façonner le bois pour se reconvertir dans l’automobile d’avant-guerre. Ses journées sont actuellement bien remplies, entre le travail sur les voitures à l’atelier, les différents événements durant lesquels il montre ses créations ou encore les voyages outre-Manche pour ramener les épaves. Il essaye cependant de se ménager une après-midi de temps en temps avec ses enfants.
On n’est jamais mieux servi que par soi-même
David s’attelle à toutes les tâches, du démontage de la voiture de base, à la création et au remontage de la nouvelle voiture. Toutes, sauf une, car les boîtes de vitesses et les moteurs, il les fait sous-traiter pour garantir la fiabilité de la mécanique à ses clients.
Des plans, il n’y en a pas, parce que dans les années 30, deux voitures d’un même modèle d’une même marque, avaient une base similaire mais beaucoup de différences dans la construction. Les plans, David les a en tête. « À force de les démonter et puis de les remonter deux fois chacune, je les connais par cœur. » Et puis, si jamais il lui vient l’envie de tester quelque chose, il ne s’en prive pas. « Celle-ci par exemple, j’ai essayé de la faire la plus basse possible en abaissant au maximum tout ce que je pouvais. J’ai même dû faire une découpe dans le plancher pour que l’on puisse accéder aux pédales même quand on chausse plus grand que du 40. »
Il y a les voitures pour lesquels David n’a aucune contrainte, et puis il y a ces clients farfelus, ou pointilleux. Il montre alors une voiture finie, qui a déjà roulé, mais dont l’acheteur voudrait une bâche qui nécessite la pose d’attaches sur la carrosserie. La tension est palpable quand David approche la foreuse de la fine tôle qui sert de carrosserie, afin de percer les trous de fixation. « Ça me stresse car si je fais un faux pas, je pourrais endommager la carrosserie, et il faudrait alors la recommencer. Mais je n’en ai pas le temps. » Il est temps de laisser David Servé se concentrer sur son travail d’orfèvre.
Portrait réalisé par Thibaut Miserque