Chantal Akerman à New York
07
Oct
2015

La cinéaste bruxelloise Chantal Akerman est décédée le 5 octobre. Récit d'une vie intimement liée au cinéma.

La cinéaste bruxelloise Chantal Akerman est décédée le 5 octobre. Récit d'une vie intimement liée au cinéma.

07 Oct
2015

PORTRAIT. Chantal Akerman, une cinéaste hors du temps

Auteur d’une quarantaine de films parmi lesquels le célèbre Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, considérée comme l’une des figures du cinéma expérimental des années 70, Chantal Akerman s’est donné la mort ce lundi 5 octobre à Paris à l’âge de 65 ans.

Née à Bruxelles le 6 juin 1950 et issue d’une famille juive polonaise, Chantal Akerman découvre son envie de faire du cinéma à 15 ans, lors de la projection de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard. Elle étudie ensuite brièvement à l’Institut national supérieur des Arts du spectacle (Insas) de 1967 à 1968. Elle réalise à l’âge de 18 ans son premier court métrage Saute ma ville, un drame burlesque dans lequel elle se met en scène.

La reconnaissance

C’est en 1975 qu’elle atteint une aura internationale grâce à son film Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles, véritable immersion dans la vie d’une femme au foyer. Plans fixes, scènes longues et gestes répétitifs rythment le film avec la lenteur qui caractérise le « style » Akerman. Le film dresse le portrait d’une veuve et de son existence mortellement ennuyante. Avec ce film, Chantal Akerman innove dans le monde du cinéma en filmant le quotidien et sa routine esclavagiste. Ce film est encore considéré aujourd’hui comme son chef d’œuvre.

L’Amérique

En 1996, elle réalise Un divan à New York, une comédie avec Juliette Binoche et William Hurt. Elle ressortira déçue de cette expérience. Elle explique en effet en 2011 sur CelluloidTV que « les problèmes avec la production et les personnalités complexes de Juliette et William n’ont pas aidé à la bonne réalisation du film ». L’accueil de la presse fut également assez froid, les journalistes reprochant à Chantal Akerman de jouer dans la cour des grands. « Ils ont détruit le film et soudain, quelques années plus tard, ils se sont rendu compte que le film était bon, mais c’était trop tard. »

Proust, du livre au cinéma

Adapté du roman La Prisonnière de Marcel Proust, son film La Captive sort en 2000. Dans cette adaptation littéraire, la réalisatrice réussit à se détacher de l’immense complexité de l’adaptation de l’écrivain au cinéma et s’approprie complètement l’histoire pour l’intégrer à son propre univers cinématographique. Avec La Captive, Chantal Akerman démontre sa capacité à créer un nouveau genre à partir d’un chef d’œuvre de la littérature.

Méthode et influence

Le cinéma expérimental de Chantal Akerman se caractérise par de longs travellings, des plans horizontaux contemplatifs prenant les personnages de face (jamais latéralement) et des scènes très longues (pas toujours au goût de tout le monde). Selon Alain Goossens, directeur de la cinémathèque de la FWB, « les plans sont quasiment tournés en temps réels avec parfois une absence de travail de montage ».

Si l’on peut parfois reprocher à la réalisatrice d’étendre certaines scènes à l’infini, il faut reconnaître que son cinéma est avant tout humain et a influencé de nombreux cinéastes de renom. Parmi eux, le réalisateur américain Gus Van Sant qui témoigne dans Libération : « C’est la découverte de Jeanne Dielman qui m’a incommensurablement marqué quand j’étais étudiant en cinéma. Je le revois souvent depuis, chez moi, et je reste stupéfait des frontières qu’elle explose dans ce film, ce qu’elle y invente en termes de narration, de rapport au personnage. Quand j’ai fait des films comme Gerry, Elephant et Last Days, cela a constitué pour moi une influence plus qu’essentielle ». Selon ses termes, la « structure architecturale » des plans de Chantal Akerman a constitué une véritable référence.

Son producteur Patrick Quinet partage sa vision sur le cinéma de la réalisatrice :

Le scénariste Jean-Sébastien Lopez a lui aussi été marqué par la méthode de conception des films  :

« Si je n’avais pas fait de films, si je n’avais pas écrit, je pense que je serais dans une clinique psychiatrique. Cela m’a permis de survivre, et je ne parle pas financièrement. » Chantal Akerman en 2012

Le FIFF lui rend hommage

La journée du 6 octobre était cette année consacrée au cinéma belge au Festival international du film francophone de Namur. En soirée, la réalisatrice Marianne Lambert devait présenter en personne son documentaire I don’t belong anywhere, une rétrospective sur le cinéma de Chantal Akerman. Suite à l’annonce du décès de cette dernière, Marianne Lambert a préféré ne pas se présenter au FIFF, mais le documentaire a toutefois été projeté devant un public ému. Son dernier film No Home Movie se concentre sur ce qui était pour elle le centre de son œuvre, sa mère, qui aura marqué la plupart de ses films.

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