Mardi 23 février, en Commission de l’Intérieur à la Chambre, c’est au tour du Premier ministre d’être interpelé par l’explosive députée PS. Elle veut des engagements, des promesses de la part de l’exécutif. Elle le fait savoir à sa manière et sera intransigeante, en témoigne son tweet à la sortie de la Commission :
#RER interpellation Premier: pas de réels engagements sur financements, timing,…juste dit le contraire de sa Ministre.j’attends du concret
— Karine Lalieux (@karinelalieux) 23 février 2016
Montée sur ressort
S’il y a bien un point sur lequel s’accordent les collègues, collaborateurs ou amis de Karine Lalieux, c’est sur son dévouement dans ses fonctions en tant qu’échevine à la Ville de Bruxelles et députée fédérale. Aussi bien au sein du Parlement que dans les médias, la députée est présente. « Montée sur ressort dans la commission de l’Energie (dans laquelle elle ne siège pas mais suit attentivement les dossiers pour le PS, NDLR), Madame Lalieux connaît ses dossiers et fonce à travers tout, à contre-courant », témoigne le député Michel de Lamotte (CDH).
Un avis que partage aussi le député Marcel Cheron (Ecolo), membre de la commission de l’Infrastructure que Karine Lalieux dirige : « En tant que présidente de la commission, elle sait donner de son autorité mais aussi de l’équité dans les débats. Diplomate non, elle ne veut pas perdre de temps, efficacité au maximum. Elle joue aussi beaucoup de cette dynamique majorité, de l’opposition au sein des discussions, ce qui n’est pas pour me déplaire mais en agace d’autres. C’est ça aussi la politique. Et elle le sait. »
Gilles Foret, député MR, ne contredit pas : « Sur son perchoir, elle oriente les travaux dans son sens politicien. Ça pose souvent des problèmes au sein de la majorité. » Marcel Cheron se souvient : « Jean-Jacques Flahaux (MR) a d’ailleurs déjà fait les frais de sa tendance rageuse de socialiste révoltée. » « Je n’ai pas de langue de bois, j’affirme mes valeurs et peu importe qui j’ai en face de moi. Cela fait d’ailleurs deux fois que la ministre Marghem refuse de débattre avec moi en télévision, pareil pour Galant […].
#nucléaire responsabilité civile des nucléaristes aidée par le gouvernement, Marghem est définitivement la Ministre d’Electrabel ! — Karine Lalieux (@karinelalieux) 24 février 2016
Dans la commission que je préside, quand je sens que je dois m’exprimer, je descends de mon estrade et je demande que quelqu’un me remplace pendant mon interpellation », se défend Karine Lalieux, lorsqu’un député de l’opposition lui reproche d’être excessive.
Sans filtre, elle joue des médias
Karine Lalieux, c’est aussi une personnalité forte dans les médias. « Elle a une vision très stratégique de la communication, elle sait comment communiquer et n’hésite pas à divulguer des informations importantes », indique Gilles Foret. « Même en commission, elle réagit en live sur Twitter constamment », surenchérit Marcel Cheron. Un collègue pousse le commentaire plus loin et qualifie ses tweets « péremptoires, asphyxiant parfois même le débat. En 140 caractères on ne peut rien dire. »
Pour la députée socialiste, “Twitter, c’est un amusement. Ce n’est pas dans le but de mettre le feu aux poudres mais de partager ce qu’il se passe en Commission.” Finalement presqu’un vrai outil qu’elle semble manier. « Je twitte en commission pour partager mes réactions durant le débat. Les journalistes sont rarement présents, donc c’est une manière de susciter l’intérêt. Parfois, on m’appelle après une Commission pour que je partage mon opinion, et puis ça fait un papier. C’est vraiment plus pour la notoriété qu’autre chose. »
“Je ne fais pas comme Reynders. Je ne fais pas la météo sur Twitter.” Karine Lalieux
Forte de son expérience de quinze ans au fédéral, Karine Lalieux connaît les ficelles du métier. « Au début, en Commission, elle me testait, me poussait dans mes retranchements », confie Gilles Foret, alors nouveau au Parlement fédéral. La députée Lalieux saisit les moments opportuns, et « arrive très bien à politiser les dossiers. C’est exactement ce qu’il s’est passé lorsque le dossier RER est sorti du placard. Elle était aux premières loges, et s’est alors emparée du dossier. Elle réagissait partout dans la presse, à la TV… », rappelle Marcel Cheron.
C’est d’ailleurs un autre reproche que lui fait le député Ecolo : « Karine Lalieux, elle veut être indispensable, partout. Elle se joue des médias et a acquis une posture politique surdimensionnée. Elle surfe d’ailleurs sur les dossiers parfois. Dans la forme, elle est organisée et présente mais dans le fond j’adhère moins. » Certains députés, issus d’autres familles politiques, se lassent de sa ligne politique jugée trop stricte. Elle manque de modernisme, dans la gestion des entreprises publiques par exemple. Un député au sein de l’opposition lance même : « Elle réagit trop, bornée, elle manque souvent d’originalité. »
« Je suis socialiste et je le revendique. Le fer de lance de ce gouvernement, c’est de s’attaquer à la solidarité et au service public, c’est une idéologie de droite. Il ne faut pas s’attendre à ce que je soutienne cela. D’ailleurs, je ne pense que pas ce soit moderne de s’attaquer à cela. Mes valeurs essentielles, ce sont la redistribution, la solidarité et l’égalité. Ce n’est pas une question de modernisme mais d’idéologie.» Karine Lalieux s’énerve et reprend : « J’ai mis une proposition sur le mécénat privé au niveau culturel, qui n’est pas soutenue par la droite. Là, c’est du grand modernisme ! Mais ils ne sont pas modernes du tout car ils ne veulent pas en entendre parler. »
“Elle peut devenir rageuse”
Stéphane Crusnière, député fédéral PS, travaille aux côtés de Karine Lalieux sur le dossier RER. Il souligne l’attitude de l’élue lorsqu’elle a interpellé le Premier ministre : « Elle ne jouait pas un coup médiatique, elle a pris le dossier à bras-le-corps. Elle veut assurer un service de qualité par une entreprise publique telle que la SNCB. Le RER, c’était un engagement sur le long terme. La ministre Galant ne pouvait pas venir détruire le projet en commission pendant 25 minutes comme si de rien n’était. Au PS, ça ne passerait pas… On pense avant tout aux travailleurs. »
Karine Lalieux se défend des propos des libéraux qui l’accusent de faire du « Galant bashing » dans le dossier du RER : « Je n’attaque jamais la personne mais son attitude, son comportement et le dossier. » Stéphane Crusnière ajoute : « Karine n’a jamais voulu enterrer Galant. Sa démission n’a jamais été demandée. Nous dénonçons juste l’amateurisme de la ministre. Elle n’est même pas soutenue par son gouvernement. Nous demandons plus de consistance au sein de son cabinet. »
Du côté des libéraux, Gilles Foret s’interroge sur les intentions du PS dans ce dossier. Selon le député, le curseur aurait été mis expressément sur le dossier du RER pour pour créer un « écran de fumée » sur la situation des tunnels bruxellois, dans laquelle le PS aurait de lourdes responsabilités.
“Je suis désolée, mais avec Galant et Marghem, il n’a pas un bon casting le Premier ministre.” Karine Lalieux
Si Karine Lalieux manie avec brio les médias sociaux au profit de sa notoriété, elle a appris que la popularité naissait du contact avec le citoyen. Philippe Close, échevin à la Ville de Bruxelles, aux côtés de Karine Lalieux, admire la détermination de sa collaboratrice. « C’est une grande pédagogue. Malgré ses différentes casquettes, elle maintient un rapport étroit avec le citoyen et le terrain. Elle a une réelle capacité organisationnelle. » Un dévouement pour la Ville de Bruxelles que le député Marcel Cheron pointe aussi : « Ne lui parler pas en mal du piétonnier à Bruxelles, cela lui tient très à cœur. Elle peut devenir très rageuse. »
“Les journalistes me disent souvent que je suis une bonne cliente pour eux.” Karine Lalieux
Interrogée sur la possibilité de devenir ministre en 2010 – elle était fortement pressentie à l’époque -, Karine Lalieux se livre : « Ce n’est plus une obsession aujourd’hui, je me suis assagie. Il est vrai qu’il y a six ans, c’était important à mes yeux. Etant donné que Philippe Moureaux et moi, nous ne nous entendions pas, cela ne s’est pas fait. »
Si on lui proposait aujourd’hui, elle serait plus pointilleuse sur la compétence : « Quand on est échevin à la Ville de Bruxelles, on gère de très gros dossiers. On a beaucoup plus de pouvoir que si on était secrétaire d’État pour le bien-être animal et l’informatique à la Région bruxelloise. On agit directement sur le quotidien des citoyens. Mais bon… si on me propose le ministère de l’Économie demain, je ne dirais pas non… Qui refuserait ? »