Le journalisme aurait-il quelque-chose à se reprocher ? Doit-il s’interroger sur des pratiques condamnables ? Ou faire son mea culpa face au tribunal de l’opinion ? C’est ce que l’on peut se demander si l’on considère, avec un brin d’ironie, le nom dont s’est affublé le secteur pour son rendez-vous annuel : les Assises internationales du journalisme. Après tout, la cour d’assises est l’instance où sont jugés les crimes, c’est-à-dire le plus haut degré d’infraction qu’une accusation puisse revêtir.
Bien sûr, notre rapprochement entre assises judiciaires et journalistiques, volontairement grossier, ne plait pas à tout le monde. William Captier, ancien rédacteur d’un journal départemental, s’en étonne : “Les Assises sont un lieu de rassemblement pour faire le point sur l’évolution de la profession et apporter des solutions. Il ne s’agit pas pour le journaliste de se reprocher quoi que ce soit, mais bien de remettre en question ses pratiques, entre impératifs économiques et intérêt chancelant du public… Notre monde a évolué bien plus vite que la presse.” L’ex-journaliste d’agence de presse Guy Biernès corrobore : “Il y est question de réflexion collective, d’analyse et de partage de connaissances entre différentes cultures journalistiques.”
Néanmoins, cette réflexion collective peut être l’occasion de se pencher sur certains reproches adressés au journalisme. Coralie Pierre, journaliste en presse locale, appuie : “La profession doit se remettre en cause car elle est sans cesse sous le feu des critiques, et les fake news n’y sont pas étrangères. Se posent nécessairement les questions de la responsabilité et du rôle pédagogique du journaliste. Le journaliste doit se reconnecter à son public.”
La révolution numérique vient alimenter le débat. Elle revient comme un leitmotiv pour expliquer la tenue de l’événement. “Avec les GAFA qui sont en train de vampiriser le trafic sur Internet, il faut repenser la manière dont les médias monnaient leurs services en Europe” confie Biernès.
Adrian Garcia-Landa, reporter d’investigation allemand identifie un autre problème, celui d’un paysage médiatique trop monolithique. “Les nombreux titres de presse s’occupent essentiellement de l’actualité du jour, chose que tout le monde oublie le lendemain, au détriment du journalisme de fond, de contenu.” Se distancier de sa mission élémentaire d’explication, de recherche fouillée et vulgarisée, voilà peut-être l’un des “délits” du journaliste.
Bien entendu le terme “Assises” n’a rien de procédural, comme l’indique l’organisateur Jérôme Bouvier. L’idée originelle était de dissocier cet événement des colloques, trop connotés à son goût. De son propre aveu, il a déjà songé à en changer le nom : “les gens se méprennent fréquemment et imaginent qu’un tribunal est chargé de juger les mauvais exemples du journalisme. Le problème est que les Assises sont désormais une marque déposée et il serait compliqué d’en modifier l’appellation maintenant“. Depuis 2008, l’événement est devenu incontournable dans le paysage journalistique et dispose à ce jour d’une considérable… assise.