04
Fév
2016

A l'occasion de la sortie du film Spotlight, le BBB se penche sur le sort des victimes de prêtres pédophiles en Belgique.

Capture d'écran de la bande annonce du film Spotlight

A l'occasion de la sortie du film Spotlight, le BBB se penche sur le sort des victimes de prêtres pédophiles en Belgique.

04 Fév
2016

Quelles ressources pour les victimes de prêtres pédophiles, 15 ans après les scandales

Spotlight, le nouveau film très attendu de Tom McCarthy, vient de sortir ce mercredi dans les salles. Inspiré de faits réels, il raconte l’enquête menée par une équipe de journalistes du Boston Globe sur des affaires de pédophilie commises par des prêtres catholiques dans le nord-est des Etats-Unis. Un scandale qui a aussi éclaboussé l’église en Europe, et en Belgique. C’était il y a quinze ans. Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment la situation a-t-elle évolué ? Les victimes sont-elles mieux prises en charge ?

« Actuellement, les victimes d’abus sexuels ont deux possibilités : aller devant la justice ou bien aux points de contact mis en place par l’Eglise catholique », déclare d’emblée Koen Jacobs, coordinateur des points de contact à l’archevêché de Malines-Bruxelles. « Les victimes auront alors ce dont elles ont besoin : être accueillies, entendues et crues, mais également recevoir des indemnisations », ajoute le coordinateur.

Un des crimes les plus difficiles à aborder

S’agissant d’abus sexuels, on imagine facilement à quel point il est difficile d’en parler. « Il n’y a pas très longtemps, un monsieur de 80 ans est venu me voir et m’a avoué qu’il avait été victime d’abus sexuels alors qu’il n’était âgé que de dix ans », explique Koen Jacobs, ajoutant « il a mis 70 ans avant de se lancer, cela suffit à prouver la difficulté de la situation ».

Des sessions d’informations pour les prêtres ont été organisées durant l’année 2015 dans la région flamande. Des cours y sont donnés pour expliquer aux prêtres ce qu’il s’est passé, comment agir face aux victimes, à quoi est-ce qu’on doit être attentif pour reconnaître des comportements inappropriés de la part de ses collègues, etc. En Fédération Wallonie-Bruxelles, ce genre de sessions n’a pas encore eu lieu, mais elles se passeront très vite puisqu’elles sont prévues le 17 février à Uccle et le 1er mars à Louvain-la-Neuve.

L’affaire Dutroux, véritable point de départ

Si des formations pour les prêtres sont organisées aujourd’hui, l’Eglise n’a pourtant pas toujours pris ce problème à bras-le-corps. C’est l’affaire Dutroux, en 1996, qui va focaliser l’attention sur les problèmes de pédophilie et pousser l’Eglise à créer toute une série de commissions destinées à prendre en charge les victimes d’abus sexuels. Avant toute chose, elle instaure des points de contact et nomme des personnes de confiance.

En 2000, l’Eglise crée une première Commission pour le traitement des plaintes. Elle sera suivie, dix ans plus tard, d’une nouvelle commission renommée plus précisément la Commission pour le traitement des plaintes pour abus sexuels dans les relations pastorales. Peter Adriaenssens en sera le président. Cette commission va très bien fonctionner, recueillant 475 dossiers en à peine quelques mois. Mais le 24 juin 2010, la justice se décide à agir.

« Cette commission travaillait dans le secret. Peter Adriaenssens parlait d’une Eglise incestueuse. La justice devait agir », explique Karine Lalieux, député fédérale qui s’est intéressée de très près aux abus sexuels dans l’Eglise catholique.

Opération Calice, une affaire judiciaire très controversée

La police judiciaire lance alors une série de perquisitions de très grande envergure au sein des églises catholique : « Oration Calice ». Cette opération, largement controversée, a permis de récupérer les 475 dossiers déposés auprès de l’Eglise. Le but des enquêteurs était de vérifier que les autorités catholiques n’avaient pas tenté d’étouffer les affaires. Elle a eu pour effet immédiat la démission de la commission, quatre jours plus tard. « Cela a eu pour effet que les victimes ont complètement perdu toute confiance en l’Eglise », explique Koen Jacobs.

Après avoir dû mettre fin prématurément à ses travaux, Peter Adriaenssens écrira un rapport de 198 pages dans lequel il consacre plus de la moitié aux témoignages des victimes (lire ici). Suite à la publication de ce rapport, l’Etat va alors créer une commission spéciale de la Chambre.

« J’en étais la présidente et je dois dire que cette commission a très bien fonctionné », déclare d’emblée Karine Lalieux. « Nous avons fait prendre à l’Eglise sa responsabilité morale et physique. Elle a alors enfin reconnu les faits. C’est là que nous avons décidé de la création d’un centre d’arbitrage pour les victimes de faits prescrits (entre 1950 et 1980) entièrement financé par l’Eglise ».

Un centre d’arbitrage pour les faits prescrits

Le centre d’arbitrage, créé à la suite de cette commission, a été laissé en place pendant 1 an. Les victimes d’abus sexuels avaient jusqu’au 31 octobre 2012 pour déposer leurs dossiers. « C’était un centre spécialement dédié aux victimes de faits prescrits, donc je pense que 1 an était suffisant. Pour toutes les autres, elles ont la justice qui peut les aider. Si les gens ne sont pas venus parler 30 ans après, ils ne le feront jamais », déclare Karine Lalieux.

Et pourtant. « Le lendemain, 1er novembre, une victime est venue me voir », se souvient Koen Jacobs (archevêché de Malines-Bruxelles). « Elle n’osait pas parler et a attendu jusqu’au bout pour se lancer, mais elle est arrivée un jour trop tard, le centre était fermé, son dossier n’a pas été retenu ». Désormais, les victimes de faits prescrits ne peuvent plus que s’adresser à l’Eglise. Pour les faits non-prescrits, elles doivent se tourner vers la justice.

Et Koen Jacobs de conclure : « Les derniers dossiers [déposés au centre d’arbitrage] sont en train d’être traités actuellement et seront terminés avant la fin de l’année ».

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