Le gouvernement s’attaque ce vendredi à l’âge légal de la pension en Belgique. Au lieu des 65 ans actuels, il passera à 66 en 2025 et 67 en 2030. Mais, ça vous le savez déjà. Par contre, derrière ces allongements de carrière, il pourrait y avoir des signaux plus importants.
D’abord, dans ce dossier, on remarque une façon bien belge de régler un problème social. La Libre.be rapportait qu’en 2013, seuls 6,11% des travailleurs ont pris leur retraite à 65 ans. En effet, les employés du secteur privé, via de nombreuses exceptions ou procédures, ont la possibilité de prendre une retraite anticipée. Le problème ne semble donc pas être l’âge légal de la retraite, mais l’âge réel auquel l’employé prend sa pension. Du coup, augmenter l’âge légal de la retraite pour faire travailler la population plus longtemps, c’est comme parler plus fort à un sourd parce qu’il n’a pas compris la première fois.
Travailler plus pour économiser plus
Mais au fond, pourquoi veut-on faire travailler davantage les personnes plus âgées ? La réponse est simple, ça coute moins cher. Bon, évidemment je résume. La phrase officielle est « il faut assurer le modèle de sécurité sociale belge ». Il se trouve que la génération de baby-boomers nés dans les années 60 va venir gonfler les rangs des retraités dans les années qui viennent, ce qui coutera plus cher à notre sécurité sociale. Si on garde la logique actuelle, pour assurer notre modèle social, il n’y a donc que deux solutions. Soit on baisse les dépenses, autrement dit, l’Etat paye moins de pensions. Soit on augmente les rentrées en essayant que plus de gens cotisent. Mais vu le faible nombre de créations d’emplois actuel, l’idée de jouer sur les dépenses semble la plus évidente.
Discutant en off avec un politicien de niveau communal affilié à un parti de la majorité fédérale, la réflexion ci-dessus m’est résumée en une phrase : « ça coûte moins cher de payer un jeune au chômage qu’un vieux à la retraite ». Traduction : l’Etat a intérêt à ce que les jeunes ne travaillent pas.
Oui, vous avez bien lu, l’Etat aurait besoin que les jeunes ne travaillent pas pour que les vieux travaillent et coûtent au secteur privé (et non à l’Etat). Une autre idée me vient alors à l’esprit. Garderait-on des sexagénaires au travail contre leur volonté alors que des jeunes veulent un emploi ? Plus grave, garderait-on artificiellement des travailleurs âgés à leur poste alors qu’ils ne conviennent plus ? Je pense à des employés qui voient arriver les nouvelles technologies dans leur quotidien et qui, fatalement, ne sont pas tombés dedans quand ils étaient petits.
Et les jeunes dans tout ça ?
Pour l’instant, on ne les entend pas beaucoup. Dans l’immédiat, nous sommes moins concernés que ne le sont nos aînés, par l’âge de la retraite qui recule. « C’est dans longtemps » se dit-on parfois. Mais peut-être faudrait-il prendre conscience qu’en forçant les plus âgés à travailler, c’est la date de notre premier emploi qui est elle-aussi retardée.
Bref, peu ou prou de réaction des jeunes. Et d’après ce qu’on peut lire parfois, « manquerait plus qu’ils se plaignent ! » Le dernier « bashing anti-jeunes » date de ce jeudi 2 avril et a été imprimé sur les pages féminines du quotidien français, Le Figaro. En chapeau : « Il souffle devant toute obligation fastidieuse, a vraisemblablement un Tumblr intitulé “Mon boss est un boloss”, est capable de vous envoyer des messages privés sur Facebook comme “Salut, j’ai la gueule de bois, je ne viendrai pas aujourd’hui.” Vous reconnaissez ce genre de petit nouveau qui vous fera bientôt passer pour un ringard : le stagiaire roi. » Et l’auteur de ne pas oublier de traiter l’attitude du stagiaire « sans gène et grossière ». Si être jeune ne donne pas le droit d’être irrespectueux, le fait d’être vieux ne donne pas non plus le droit d’être condescendant.
Cet exemple – ajouté au recul de l’âge de la retraite qui semble arithmétiquement inévitable − laisse aux jeunes un goût amer, l’impression d’être au mieux, mis de côté ; au pire, pointés du doigt.
Guillaume Woelfle
Superbe article ! Hâte de lire le prochain