Le 25 novembre dernier, le Conseil de l’Europe et le Parlement européen accueillaient à Strasbourg un invité exceptionnel: le Pape François. Le souverain pontife y a notamment réaffirmé son inquiétude concernant la situation des immigrés clandestins. Comment ce discours a-t-il été ressenti en Belgique ? L’avis de Jean-Mathieu Lochten, Prêtre de l’Eglise du Béguinage à Bruxelles, qui lui-même n’hésite pas à accueillir des réfugiés.
Le Pape a effectué un passage éclair de 24 heures sur le territoire français le 25 novembre dernier.Devant les députés européens puis au Conseil de l’Europe, il a, entre autres, insisté sur le sort des immigrés clandestins qui tentent de rejoindre le Vieux Continent. D’une voix consternée, François Ier a exhorté l’Europe à éviter que « la Méditerranée devienne un cimetière pour immigrés clandestins ». Cette phrase faisant, en grande partie, référence aux récents drames survenus au large de la ville italienne de Lampedusa. Selon l’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés, 165 000
personnes ont tenté de rejoindre l’Europe en 2014 alors que, depuis le mois de juin dernier, plus de 3000 d’entre eux ont perdu la vie. Face à ces tragédies à répétition, le successeur de Benoît XVI a rappelé aux députés européens les valeurs fondamentales d’une Europe qui a « perdu son âme ».Enfin, il les a invités à remettre la question du respect de la dignité humaine au centre des
préoccupations. Ovationné à l’issue de son intervention, le Pape a été plébiscité pour son discours plein d’espoir, d’humanité et de charité.
Entre humanité et réalité
Très médiatisé, ce discours a été suivi attentivement chez nous. Prêtre jésuite de l’église du Béguinage à Bruxelles, Jean-Mathieu Lochten a longtemps accueilli des immigrés clandestins dans son église. Il s’est retrouvé dans le discours du Pape, même si, dans la pratique, la tâche est plus compliquée selon lui. « Le discours du souverain pontife est un message d’espoir, d’humanité mais surtout légaliste », nous explique-t-il. « Sa volonté est de créer un cadre juridique afin d’assurer que la dignité de chaque homme soit respectée ». Et notre interlocuteur d’ajouter : « On ne peut qu’être d’accord avec cette vision du pape, mais je crains que cela n’arrive jamais. A mon sens, le problème est que ces mouvements migratoires ne sont pas gérés par des gens honnêtes mais plutôt par des escrocs qui exploitent ces pauvres personnes, qui n’ont d’autres choix que de se taire et d’accepter. »
Depuis quelques mois, le prêtre jésuite héberge dans son église des immigrés clandestins venus d’Afghanistan. Même s’ils ont investi le lieu saint par la force, l’homme religieux entend les aider.
« Nous voulons donner une voix à ces personnes abandonnées à elles-mêmes », affirme Jean-Mathieu Lochten. « Dans ce cas-ci, cela a fonctionné, puisqu’une partie d’entre eux a pu rencontrer le Premier ministre et obtenir un permis de travail provisoire. C’est la preuve que, dans certains cas, la législation européenne peut sourire aux immigrés clandestins. Aujourd’hui, on se doit de faire encore plus pour, au minimum, assurer aux personnes désespérées de vivre dans des conditions respectables. Tous les accueillir est évidemment impossible et non raisonnable, mais, en tant qu’Européens, nous nous devons, comme le Pape l’a rappelé, de promouvoir les droits humains.»