L’annonce des économies prévues dans le domaine de la culture par le nouveau gouvernement a fait l’effet d’une bombe, fin de l’année passée. Sophie Alexandre, coordinatrice du Réseau des Arts à Bruxelles (RAB) y voit un danger pour la culture qui dénonce. Elle nous expose son point de vue sur ce que pourraient entraîner ces décisions gouvernementales.
Quelle a été votre première réaction lorsque vous avez eu vent de ces coupes budgétaires ?
Sophie Alexandre : La pression qui est présente dans le domaine depuis des années continue de s’accroître. Comment pouvons-nous encore parvenir à remplir notre mission de partage de la culture alors que des coupes budgétaires sont réalisées partout ? Les subsides ont été réduits en communauté flamande, alors qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, ils ne sont plus indexés depuis des années. Et maintenant, ils nous « ajoutent » cela…
Quelles conséquences pouvons-nous craindre ? Une augmentation des prix ?
S. A. : Les opérateurs veulent continuer à garantir un accès à la culture au plus grand nombre, mais doivent aussi obtenir des recettes. Il y a là un paradoxe. Comment remplir ces deux objectifs sans toucher au prix ? Nous ne voulons absolument pas en arriver à produire de la culture pour une élite.
Cependant, sans subsides, ça devient compliqué…
S. A. : La production coûte cher, voilà pourquoi nous avons besoin de ces subsides. Dans les discours gouvernementaux, je repère un premier « mythe » selon lequel la culture doit rechercher d’autres sources de financement. Mais elle le fait déjà, à La Monnaie, par exemple. Le problème est que les investisseurs préfèrent financer des productions qui plaisent au plus grand nombre. Rares sont ceux qui soutiennent des projets critiquant la société. Ce rôle appartient aux pouvoirs publics.
« Les politiques croient que la culture n’intéresse qu’une élite. C’est faux ! »
Quel est le second « mythe » que vous repérez dans leur discours ?
S. A. : Celui que j’appelle « le mythe de la salle vide ». Selon eux, la culture n’est réservée qu’à une élite et n’intéresse personne d’autre. Ce n’est pas vrai, les salles sont remplies tous les jours !
On entend aussi souvent que la culture ne rapporte pas assez…
S. A. : Le souci, c’est qu’on limite l’impact économique aux seules recettes de la culture. Il faudrait néanmoins prendre en compte ce qu’il y a autour, mais qui est difficilement quantifiable. Par exemple, les gens qui vont manger un bout avant d’aller au théâtre. A côté de cela, ce que je trouve essentiel, c’est ce que la culture apporte humainement. Si l’on réfléchit uniquement du point de vue économique, nous allons tomber dans des spectacles qui plaisent à tout le monde, sans réflexion en arrière-plan. Les politiques actuelles se situent davantage dans cette optique de divertissement, malheureusement.
Devons-nous y voir une volonté d’apaiser la population par la culture ?
S. A. : Je ne sais pas s’il faut y voir un dessein aussi manipulateur. J’ai cependant peur des politiques actuelles qui suivent une pensée unique où tout a l’air formaté.
Leur objectif est-il dès lors de venir à bout des institutions fédérales culturelles, ciment des populations ?
S. A. : Je pense qu’il faut nuancer ces propos. Les institutions fédérales constituent plutôt un symbole. Ces liens qui unissent les populations se retrouvent également dans les initiatives communautaires, pas seulement au niveau fédéral.
Propos recueillis par Florentin VINCKE